
©Gauri Gill
Née en 1970 à Chandigarh, Gauri Gill, peu connue en France, est pourtant d’une renommée internationale.
Depuis plus de vingt ans, la photographe observe, en noir & blanc et couleurs, le quotidien de la population rurale et périurbaine du Rajasthan (en particulier pour la série Notes from the Desert), s’attachant notamment aux communautés devant inventer des modes de survie et d’affirmation identitaire, Gill ayant développé une approche collaborative avec des artistes locaux.

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Il faudrait être indianologue pour décrypter les subtilités présentes en chaque image.
En attendant une visite guidée – à Francfort-sur-le-Main en Allemagne ou au Danemark, où circule(ra) une exposition de plus de deux cents œuvres -, il est possible de s’enchanter de la qualité évidente du travail, de sa recherche de fond, de ses subtilités chromatiques, l’art étant ici considéré à la fois comme moyen de connaissance, de désorientation et de beauté.
Le soleil brûle la pellicule comme le paysage, les paysans sont en costume traditionnel, des jeunes posent dans un studio improvisé, à la mode vernaculaire (noir et blanc) ou actuelle (couleur), en nu-pieds ou baskets (série Balika Mela, 2003 et 2010).

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Voici un tableau noir (série The Mark on the Wall, 1999), du sanskrit, des pictogrammes, des chiffres, tout un effort d’écriture et de traduction.
Il y a des dessins géométriques, comme une sorte de rébus, des cours de récréation silencieuses, des rais de lumière, toute la noblesse des professeur(e)s et de l’éducation.
Acts of Apperarance (2015 – œuvre en cours) est un travail effectué dans le Maharastra auprès de villageois portant des masques évoquant des réalités contemporaines.

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La puissance des masques est sidérante, ce simple artefact incarnant une grande palette d’émotions, et transformant d’emblée en fiction la réalité la plus immédiate.
Certains ont une tête en forme de poste de radio, ou de réveil, de serpent ou de cerf, de télévision ou d’araignée.
Dans une diversité de formes (portraits, mise en scène, documents bruts, dessins, très inventifs, sur des images), Notes from the Desert montre en noir et blanc des communautés rurales marginalisées vivant dans une très grande pauvreté.

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L’atmosphère est à la désolation, à l’abandon et aux bricolages existentiels.
Commencé en 2003, la série Rememory expose des paysages urbains peuplés d’édifices ou de structures semblant posséder des personnalités autonomes et une sorte d’indépendance quelquefois un peu incongrue ou grotesque.
Composé de portraits d’immigrants indiens, Les Américains se situe sur tout le territoire des Etats-Unis, la diaspora recréant au pays du matérialisme capitaliste des pans d’univers traditionnels, par les vêtements, les fêtes, les pratiques sociales.

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On pense quelquefois, devant l’œuvre essentielle de Gauri Gill, à celle de l’Iranienne Hannah Darabi (voir notamment Soleil of persian Square, GwinZegal, 2021).
Il y a ici quelque chose de l’ordre d’une volonté farouche de témoigner, contre les discours nationalistes prônant l’homogénéité, de la diversité des populations habitant un même territoire (voir les séries, douloureuses, Jannat et Traces), mais aussi d’une obstination, par l’imaginaire s’il le faut, à rendre compte des logiques communautaires subsumant la sensation de singularité des individus.

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Pour découvrir l’ampleur et la nécessité du travail de Gauri Gill, Acts of Resistance and Repair s’avère pour le moment la monographie la plus passionnante.

Gauri Gill, Acts of Resistance and Repair, textes (anglais/allemand) de Alexander Keefe, Luise Lever, Jisha Menon, Esther Schlicht, édition Esther Schlicht, Kehrer Verlag, 2022, 268 pages
https://www.kehrerverlag.com/de/schirn-kunsthalle-frankfurt-gauri-gill

©Gauri Gill
Schirn Kunsthalle Frankfurt, Francfort-sur-le-Main, Allemagne – 13.10.2022 –08.01.2023

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https://www.schirn.de/ausstellungen/2022/gauri_gill/
Louisiana Museum of Modern Art, Humlebæk, Danemark – 26.01 – 10.04.2023