Une énigme en cinq syllabes, par Dimitra Dede, photographe

©Dimitra Dede

Comme la poétesse Sylvia Plath (1932-1963) dont le poème Metaphors a inspiré le titre de son livre, Dimitra Dede travaille en photographie l’énigme de son nom.

Que fais-tu ici ? Quelle est ta place sur Terre ? demande brutalement le rabbi à l’étudiant venu le consulter.

La question n’est pas anodine, il nous faut souvent une vie pour commencer à y répondre.

Imprimé en riso, sous couverture souple avec plis japonais, Metaphors interroge, avec la force visuelle que l’on connaît à l’artiste travaillant entre Athènes et Londres, le mystère des forces présidant à l’apparition de la vie. 

©Dimitra Dede

Chez Dimitra Dede, tout est matrice, fente originelle, cavité première.

C’est le combat des ténèbres et de la lumière.

Il faut des profondeurs de noirs et d’inconnaissable pour permettre le secret de la création.

Il échoit à certains de témoigner du tremblement de l’existence, comme d’autres sont ingénieurs, médecins ou télégraphistes.

©Dimitra Dede

Il échoit ainsi à cette auteure rare dont je présente systématiquement les livres depuis plusieurs années – tous sont très vite épuisés – de rendre compte de la vie brute, indocile et géniale.

Parés de notre manteau de nudité, nous n’avançons pas seuls dans le monde.

Il y a la corneille là-bas, qui rédige son rapport pour les cieux, et l’arbre faisant l’éberlué pour masquer son sérieux, et le faîte des montagnes touchant les nuées, et la rivière passant sous le pont, l’air de rien.

Tout est fantastique parce que tout est amniotique, hypnagogique, succulences fécondes.

©Dimitra Dede

Il y a des silhouettes, des personnages traversant la nuit, des présences incarnant la possibilité d’un autre monde.

Les feuilles se déchirent, l’araignée tisse patiemment un piège comme on jette une glu mentale sur ses ennemis, la neige des cimes recouvrent les pas des courageux clandestins.

Où en est-on avec le temps ? semble nous murmurer Metaphors.

Qu’y a-t-il de si neuf depuis le matin du monde ?

©Dimitra Dede

Vous rêvez de tout reprendre à zéro, alors que rien n’a vraiment commencé.

Un visage flotte comme à l’instant d’un baptême. Est-ce celui d’un adolescent, d’une jeune femme, d’un demi-dieu ?

Les papillons des rêves envahissent la psyché comme les pages à l’encre encore vivante : quelle différence entre le cou tendu parsemé de grains de beauté d’une belle et la physionomie d’une grande ville vue du ciel ?

Il n’y a pas stricte équivalence, mais passage sans discontinuité d’une image-poème à l’autre, de la colombe au pare-avalanche, de l’ingéniosité racinaire au mur de soutènement d’un ouvrage d’art.

©Dimitra Dede

Une femme a le ventre gros, ses tétons sont énormes, elle pourrait nourrir une humanité entière.

On se couche près d’elle, on lui vole un peu de lait, et l’on devient soudain l’oiseau de clairvoyance que nous cachait la mauvaise utilisation de notre raison.

Une fois monté dans le train mystérieux de la métaphore filée, il n’y a pas moyen de s’en sortir, car tout est écho, résonnance, correspondance.

La prison du trope est notre liberté.   

Dimitra Dede, Metaphors, design Joao Linneu, edition Myrto Steirou, VOID, 2022, 50 pages + un livret de 12 pages – 100 exemplaires numérotés

https://www.dimitradede.com/

©Dimitra Dede

https://void.photo/store/p/metaphors

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