Hong Kong, poussées de béton et de végétaux, par Gaëtan Chevrier, photographe

©Gaëtan Chevrier

« J’étais enfermé dehors, il me restait la végétation et à cheminer parmi les arbres, à assimiler leur calme, malgré l’inconfort certain qu’il y aurait à vivre auprès d’eux. Avec le temps et les arbres, un jour, je finirais peut-être par comprendre H., ou par retourner chez moi sans le savoir. » (Anthony Poiraudeau)

Fruit de plusieurs séjours effectués à Hong Kong entre 2013 et 2017, A l’origine, de Gaëtan Chevrier, est un dialogue entre le végétal et le minéral, dans une ville aussi mythique que méconnue.

En grand format, sur papier épais et sous lourde couverture cartonnée posant l’objet sur la table telle une pierre de fondation, cet ouvrage propose une méditation sur le paysage urbain hongkongais.

©Gaëtan Chevrier

Ponctué de six images d’archive montrant la ville encore provinciale à la fin du XIXe siècle, A l’origine est pensé comme une succession de tableaux à contempler minutieusement.

En 1890, la cité s’insère avec respect dans son environnement naturel, alors qu’au XXIème siècle celui-ci tente, tant bien que mal, de se faire une place entre les buildings et les infrastructures routières.

Il y a confrontation, quasi inconsciente, entre la puissance humaine et la force végétale.

On sait bien in fine qui gagnera la bataille – le chair humaine est denrée périssable -, mais, pour lors, il faut loger homo demens et souiller toujours davantage la Terre-Mère.

©Gaëtan Chevrier

Les bateaux à moteur ont remplacé les myriades de jonques, le carbone est l’ambroisie des nouveaux dieux déchus.

En doubles-pages, les photographies de Gaëtan Chevrier imposent leur silence dans le tumulte de la cité intense.

Géométrisation des rapports, édifices à l’orgueil vertical, bouquets verts sur les pentes inconstructibles.

Le photographe ne montre pas l’enfer, il ne s’agit pas ici de dénoncer l’hubris des petits d’hommes, mais de constater, avec une certaine forme de tendresse dans l’effarement, la façon dont, inéluctablement, nous bâtissons nos propres sarcophages, nefs de force fragile lancées à l’assaut du ciel.

©Gaëtan Chevrier

La taille ample des images permet au regard de se perdre dans les détails, d’arrêter le temps frénétique des horloges boursières interconnectées à l’échelle mondiale, et d’imaginer quel point infime nous serions dans le vaste ensemble s’il nous était donné d’y habiter.

Il y a du brouillard, probablement produit par la pollution routière, et le climat subtropical, mais aussi des nappes de vide dans tout ce plein, une dialectique fine entre les taillis et le béton, entre la roche millionnaire et les immeubles.

De façon étonnante, la jungle est là, certes dans les gratte-ciels – souvenons-nous de Jean-Paul Sartre décrivant New York au sortir de la Deuxième Guerre mondiale -, mais aussi dans la luxuriance d’arbres parvenant à s’épanouir.

©Gaëtan Chevrier

Le regard glisse sur le papier glacé, le doigt suit les courbes des routes et remonte sur les piliers des ponts, des humains attendent leur bus, ou marchent vers leur travail en tenant à la main un sac plastique blanc contenant leur repas.

La ville s’inverse, les racines reprennent le dessus, il y a révolte de la populace végétale.

On perçoit çà et là les signes d’un effondrement civilisationnel possible, une ruée d’arbres contre le macadam et les garde-corps en fer.

Plus loin, dans un val plus riche, les nantis ont droit à la fraîcheur verte.

On n’est pas si mal malgré tout ici, il y a des sentes insoupçonnées, des petits commerces résilients, une comédie sociale pince-sans-rire qui émeut.

Dans l’absurde, le végétal fait son carnaval.

©Gaëtan Chevrier

« Sur l’île de Hong Kong, précise l’architecte Maëlle Tessier, les routes bitumeuses s’arrêtent en impasse, butant sur les escarpements des reliefs, elles se transforment en escaliers, en chemins puis en sentiers. La végétation engrillagée du bord des rues se trouve alors peu à peu libérée : arbustes, fougères et taillis reprennent de l’aisance et dans un même élan le ciment et les traces d’artificialisation s’estompent, seuls restent les échos urbains. »

Le papier coûte cher, mais il ne convient pas d’imprimer à toute force toutes les pages afin de rentabiliser l’investissement. Le blanc s’impose régulièrement, on respire, on s’abstrait, on imagine, on décroche.

Gaëtan Chevrier possède un humour discret perceptible dans ses images, le sourire d’un chat asiatique posant avec légèreté ses pattes sur un tapis brûlant.

Il est tôt, on se réveille dans l’ombre, la ville dort encore, les prémices du séisme sont beaux à l’aube, alors que se prolongent les rêves.

A l’origine n’impose aucune thèse, c’est un livre de pratiquant zen – et peut-être même ignorant de cette discipline de calme martial -, un cadeau fait à une ville intimidante.

Il a fallu voyager en avion, accentuer le trou dans la couche d’ozone, prendre des risques avec la planète.

Voilà pourquoi ce livre de profondeur se présente d’abord comme un remerciement, une façon presque secrète de saluer les lieux pour leur accueil fécond. 

Gaëtan Chevrier, A l’origine, textes (français/anglais) Maëlle Tessier et Anthony Poiraudeau, Sur La Crête éditions, 2022 – 400 exemplaires

https://gaetanchevrier.com/

https://editionsurlacrete.com/

EXPOSITION :

du 1er au 30 décembre / 

vernissage le jeudi 1er décembre

La Maison régionale de l’architecture des Pays de la Loire

17 rue La Noue Bras de Fer – 44200 Nantes

Lundi et Mardi 9h30 – 12h30 – 14h00 – 18h30

Mercredi au vendredi 9h30 – 18h30

Samedi 13h00 – 18h00 

Tel : 02 40 47 60 74

Mail : contact@maisonarchi.org

https://www.ma-paysdelaloire.com/

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