
©Quentin Yvelin
Il y a du sacre et du cérémoniel dans l’esthétique photographique de Quentin Yvelin.
La nature n’est pas pour lui qu’un écrin où les corps simplement se déposent et s’inventent, mais une substance d’énergie traversant tout, le feu comme la peau, l’eau comme les regards, l’écorce comme la boucle d’oreille.
Ses images sont en quelque sorte à performer, comme l’on porte parfois en Afrique ou en Inde un masque rituel pour célébrer les dieux, ou marquer les différentes étapes de la vie.
Autour de l’étang de Walden – nom générique pour toute surface liquide principielle -, se rassemble la tribu des amis du photographe, libre et sauvage.

©Quentin Yvelin
« Dans ma démarche, explique l’auteur de Mes yeux blanchissent quand les pas s’essoufflent, publié à cent exemplaires par Fabio Miguel Roque, je rencontre des individus, j’expérimente des situations et des sensations, je les photographie puis j’assemble ces instantanés : bribes, morceaux éparpillés d’un récit toujours en devenir. Parfois je tente l’arrêt du regard pour être simplement celui qui capte, qui saisit quelque chose qui serait de l’ordre de l’indicible comme de l’invisible… »
Témoin des tremblements de l’être comme du monde visible, Quentin Yvelin adopte la position de l’intermédiaire, de l’intercesseur, du messager.
Un homme plonge nu dans l’onde étale.
Que nous soyons dans le Connecticut, en Bretagne ou à Paestum il y a plus de vingt-cinq siècles, la sensation de baptême est la même, abolissant le temps comme l’espace.

©Quentin Yvelin
La chevelure Méduse d’une belle endormie se lève dans un crépitement de flammes.
Il faut fermer les yeux pour voir, accepter de s’avancer dans le noir jusqu’au seuil où tout peut s’ouvrir et basculer dans une lumière intérieure.
Des signes se disposent, fétiches spontanés ou objets propitiatoires destinés à concentrer les forces de la vivant.
Une femme au chignon hitchcockien contemple les ténèbres.

©Quentin Yvelin
Il neige depuis des semaines dans la voie lactée enflammée, et il faut bien quelques pages blanches pour ne pas brûler immédiatement de la vérité.
Bouillonnement de cataractes, offrande des mains, nudité yoguique – photographie couleur sublime.
Toi, divinité du premier cercle, prête-moi tes seins.
Toi, homme barbare, offre-moi ta barbe naissante.
Tatoue-moi de toi.
Tatoue-toi de moi.
Tu as des yeux de louve et je m’appelle brasier ardent.

©Quentin Yvelin
La folie est le contraire de la déraison, qui est plutôt condition de sauvegarde quand tout devient si faux, si peu généreux, si soumis à l’emprise du calcul.
Je me vois dans ton bleu, tu m’ôtes avec la langue une épine de la bouche, nous nous sauvons.
Endormons-nous sur la paille, comme des bêtes.
Célébrons le soleil comme les nuits.
En postface, Ophélie Jaësan murmure : « Tu viens de toucher l’âme du monde pour apprendre à regarder le jour. »
Les yeux blanchissent quand les pas s’essoufflent est un livre rare, ancré dans le présent et le désir de le vivre à fond, sans oublier que nous ne nous appartenons pas vraiment.

Quentin Yvelin, Les yeux blanchissent quand les pas s’essoufflent, texte Ophélie Jaësan, concept Fabio Miguel Roque, Preto Books, 2023 – 100 exemplaires numérotés

©Quentin Yvelin
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©Quentin Yvelin
Livre disponible à L’Enfant sauvage (Pauline Caplet) à Bruxelles