Chercher le feu dans la cendre, par Stéphane Zagdanski, philosophe

L’enfant au toton, 1738, Jean Siméon Chardin

« Oui, il nous faut à présent mettre le masque de « positivistes », afin de ne pas être identifiés comme ceux que nous sommes… » (Martin Heidegger)

La publication du séminaire sur la Gestion Génocidaire du Globe de Stéphane Zagdanski se poursuit à un rythme effréné, tant mieux, un feu ardent brûle dans le retrait des yeux des lanthamontès.

Le quatrième épisode, intitulé Heidegger, les Allemands, la Colère et le Génie interroge la philosophie de l’Etre et l’impensé juif chez l’auteur de Acheminement vers la parole.

Sous-titré « Réflexions sur l’extermination en cours », le séminaire de Stéphane Zagdanski examine le 24 mai 2020 – après avoir réfléchi à la notion de l’imperium durant les deux séances précédentes – la question de la Colère et du ressentiment à l’origine de la furie meurtrière, d’abord peut-être contre ces innocents, les animaux.

L’arraisonnement par la Technique omnipotente conduit à l’oubli de l’Etre, qui s’approfondira encore avec la puissance de l’administration du vivant par l’Intelligence Artificielle.

« La bombe atomique, écrit avec fulgurance Heidegger dans le Séminaire de Zurich de 1951, a explosé depuis beau temps ; exactement au moment – un éclair – où l’être humain est entré en insurrection, par rapport à l’Etre, et de lui-même a posé l’Etre, le transformant en objet de sa représentation. Depuis Descartes. Représenter l’étant comme objet, par un sujet, voilà qui est accompli en connaissance de cause depuis Descartes. Cette provocation de la Nature à n’être qu’objet caractérise le comportement fondamental de la Technique, et en lui repose toute science moderne. »

Elu recteur de l’Université de Fribourg-en-Brisgau le 21 avril 1933, Heidegger, qui crut d’abord en l’énergie révolutionnaire national-socialiste, comprit très vite son erreur – il démissionna au bout d’un an, fait unique dans l’histoire universitaire de son pays sous régime totalitaire -, ne cessant par la suite de s’expliquer en pensée avec le nazisme, dans son cours sur Nietzsche de 1936 (deux volumes chez Gallimard), comme dans tant d’autres, notamment celui sur Parménide de 1942.

Heidegger a donc tôt identifié l’escroquerie, la vulgarité, la (mal)faisance des dirigeants de son pays et du peuple aveuglé, décidant de répondre en pensant en retrait, dans le silence et la solitude, constatant l’effondrement historial de l’Allemagne.

Sa pensée, rappelle Stéphane Zagdanski, est chemin, cheminement, aventure, découvertes, ce dont témoignent les Cahiers noirs.    

On peut y lire cet aveu saisissant : « Poussé à prendre en charge le rectorat, me voilà agissant pour la première fois de ma vie en sens contraire de ce que me dit la voix la plus intime. »

Vous qui vous targuez fièrement d’avoir raison contre qui s’est trompé hautement, votre intime conviction ne vous dit-elle pas que vous êtes des imposteurs ?

Heidegger accepta le pouvoir au nom du destin de son peuple, avant que de choisir la position de noblesse de l’isolé endurant par la pensée l’ignominie en cours.

Il y a les très nombreux, participant au règne du crime, et les Invisibles assumant patiemment de vivre dans l’écart.

Il y a les êtres de rancœur et de colère, et les quelques autres, les uniques, les génies.

Il y a ceux qui bavardent, verbalisent, usent les mots, et ceux qui entendent la parole agissante en toute chose.

Il n’y a pas de génie de la langue – le grec et l’allemand comme langues naturelles de la métaphysique -, mais des exceptions rendant géniale la langue qu’ils emploient, la créant, l’inventant, la déplaçant.

Kafka se demandait : « Qu’ai-je de commun avec les Juifs ? C’est à peine si j’ai quelque chose de commun avec moi-même. »

Le natal n’est pas dans tel ou tel enracinement, mais dans ce questionnement vertigineux.  

Stéphane Zagdanski, Heidegger, les Allemands, la Colère et le Génie, La Gestion Génocidaire du Globe 4, 2023, 78 pages

https://laggg2020.wordpress.com/

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