Poétique de l’envol et des pluies noires d’atomes, par Sotiris Lamprou, photographe

©Sotiris Lamprou

Quinzième titre de la collection « L’Atelier Risographique » des Editions Bessard, Paths Throught Marshland, de Sotiris Lamprou est un livre où le motif des bras ouverts comme des ailes déployées est récurrent.

Dans un noir et blanc très granuleux, le photographe grec travaillant à l’argentique construit, dans une atmosphère étouffante innervée de tensions, un chemin de libération.

Si Sotiris Lamprou saisit la mort au travail à l’instant du déclenchement arrêtant le temps, les figures qu’il convoque, humaines ou animales, proposent une envolée, physique et spirituelle.

©Sotiris Lamprou

Un personnage en aube blanche ouvre le livre, comme une apparition angélique protégeant de sa grâce les hommes – saisis de profil – des pages suivantes surgissant des ténèbres.

Les murs se craquellent, la nuit menace de tout recouvrir, la pellicule périmée invente des trouées de lumière chimique.

On pourrait être chez Klavdij Sluban, ou chez quelque frère des pays glacés du lointain intérieur.

Le soleil noir de la mélancolie est entré dans le boîtier de vision, en se souvenant d’avoir vu les films de Dreyer ou de Tarkovski.

©Sotiris Lamprou

Arrive le moment de la migration des âmes, du voyage de l’autre côté du monde, au-delà des landes parsemées de totems effrayants.

L’oiseau nocturne traverse des paysages d’arbres et de ronces, de ciels électriques et de vagues amères.

Où vont tous ces errants dont pas un seul ne rit ?

L’image devient fusain, coupure, faux de volatiles virgulant les nuées.

©Sotiris Lamprou

Une main se tend, un cygne passe, un éclair déchire la page de sa fulgurance.

Des enfants bombent le torse en tendant les bras, petits prolétaires victorieux de la peur.

On se cherche, on se cogne, on chute, on est défiguré, puis soudainement métamorphosé en échassier gigantesque.

Sotiris Lamprou ne photographie pas directement le monde damné, préférant l’inventer, tout en lui proposant des lignes d’allègement, dans le sacre de la poussière et l’emportement des atomes.