©Lisbeth Johansen
« We made a fire in the garden and burned all the letters. »
Il y a beaucoup de blanc, et un principe de silence, dans les livres des éditions suédoises Breadfield Press.
Parce que nous sommes un mystère pour nous-même comme pour les autres.
Parce que la maladie mentale nous guette.
Parce que ce que nous ne savons pas est bien plus important que notre prétention à la connaissance.
©Lisbeth Johansen
Mort à 57 ans, seul dans son appartement, le père de Lisbeth Johansen, qui souffrait de schizophrénie paranoïaque – les étiquettes de la psychiatrie sont parfois commodes, ou trop simples – est resté pour sa fille une énigme, dont le livre The Pictures of the Yellow Sun est une tentative d’élucidation.
Cherchant le visage et les gestes de son père dans les archives familiales, la photographe se souvient d’une de ses peintures lui tenant particulièrement à cœur : la représentation d’un soleil jaune qu’il regardait souvent, mais qu’elle jeta après sa mort, cette image lui devenant insupportable un jour de trop grande émotion.
The Pictures of the Yellow Sun est un livre troué – concrètement -, comme si l’astre incandescent s’était absenté, comme si la vie s’était enfuie par le chas d’une aiguille.
©Lisbeth Johansen
Avec beaucoup de pudeur, Lisbeth Johansen se souvient, disposant sur les pages quelques images anciennes, sans les saturer.
Il y a des traces, des griffures, des taches, des glyphes, des signes à déchiffrer, indéchiffrables.
Des ciels de nuit tourmentés.
Des nuages d’amniotique.
Des tapis de fleurs roses et blanches.
Des halos lumineux, des présences, des auras.
Des couronnes mortuaires et de vie.
©Lisbeth Johansen
Entre deux rideaux rassemblés se crée une faille, une béance, une fissure, un couloir d’au-delà.
Papa bricolait, peignait, posait pour sa fille.
Qui est cette femme sensuelle se prenant en photo, disparaissant derrière le soleil de son flash ? Une épouse ? une maîtresse ? une enfant adulte ?
Ligne de chance, ligne de hanche, ligne de sang.
Grisaille du passé, couleurs d’aube, couture jaune du livre.
Des tas de bois coupés comme en Pologne à la pire époque.
©Lisbeth Johansen
Des fantômes de maisons.
Une indication : « So he would get a flower »
La nuit se fait, une fille demande à son père alors qu’un feu illumine les ténèbres : « Pourquoi fait-il désormais si noir, papa ? »
Lisbeth Johansen, The Pictures of the Yellow Sun, texte en anglais et suédois, graphic design Lina Gustavsson, Breadfield Press, 2020 – 500 exemplaires
Le blog de Fabien Ribery 