A l’origine était l’imprimerie, par Pierre Alechinsky, peintre

©Pierre Alechinsky

Quel plaisir de retrouver l’œuvre du presque centenaire Pierre Alechinsky (96 ans), son esprit carnavalesque, son humour, son inventivité formelle.

Le domaine de Chaumont-sur-Loire (direction Chantal Colleu-Dumond) propose pour sa nouvelle Saison d’Art (1^er avril – 29 octobre 2023) une rétrospective de l’artiste belge, prenant pour empan chronologique la période 1948-2020, consacrée à ses dessins, gravures, lithographies, estampes murales et ouvrages de bibliophilie.

Intitulé Alechinsky à l’imprimerie, cette exposition, qu’accompagne un catalogue publié par les éditions Gallimard, rappelle en près de deux cents œuvres que le peintre de renommée mondiale fut d’abord typographe et imprimeur.

Il y a de l’artisanat chez Alechinsky.

Bonheur de la caresse des pierres, odeur de l’encre, domptage de la presse, apprentissage d’un métier.

©Pierre Alechinsky

Ses formes serpentines, ses spirales, ses arbres de vie et ses cases inspirées de l’esprit de la bande dessinée témoignent d’une liberté qui réjouit.

Ses toiles/planches sont des cartographies imaginaires, des territoires mentaux livrés au plaisir de la création.

« Ce qui frappe immédiatement dans l’œuvre d’Alechinsky, écrit Chantal Colleu-Dumond, c’est l’élan, le dynamisme, la fluidité du pinceau, du crayon, de la plume, le courant continu du cerveau à la main, comme une intense et persistance jubilation créative. »

Il y a du volcan chez lui, une cosmologie singulière, une façon d’écrire sans cesse.

Alechinsky, qui rejoignit le groupe CoBrA en 1949, expérimente, essaie, s’amuse.

©Pierre Alechinsky

Ses personnages sont drôles, son vitalisme délivre.

Traits, glyphes, sinuosités.

Son affiche pour le Festivale Expérimental de Knokke-Le Zoute (été 1949) évoque quelque cornue d’un adepte du gai savoir.

Le lyrisme de Pierre Alechinsky est impertinent, Père Ubu s’invite chez lui, et les Gilles de Binche (voir son œuvre à partir d’une photographie de Henri Storck).

Le dessin gagne les pages des agendas, les marges, tente de déborder le cadre.

Ses mandalas sont surréalistes, Christian Dotremont est son compagnon de calligraphie.

Cataractes, chutes d’eaux, sirènes.

Tératologie, explosions, gerbes de couleurs.

Soleils, sphinx, carnavaleux.

Eaux-fortes, gravures sur bois, lithographies.

©Pierre Alechinsky

Des livres avec Michel Butor, Emil Cioran, Yves Bonnefoy, Jean-Pierre Verheggen, Roger Caillois, Salah Stetié, Hélène Cixous, Jean Paulhan, André Pieyre de Mandiargues, Blaise Cendrars, Pierre Michon, André Breton, Charles-Albert Cingria…

Le principe général est poétique, c’est-à-dire d’exploration des remuements intérieurs.

Lâchez tout, disait Breton.

Respiration ample, persistance, vortex, répond Alechinsky de son atelier de Bougival.

Alechinsky à l’imprimerie, préface de Chantal Colleu-Dumond, édition Nathalie Bailleux, Giovanna Cit-Hebey, Katia de Azevedo, direction artistique Anne Lagarrigue, Pascal Guédin, Lucille Guigon, fabrication Amélie Airiau, Gallimard, 2023, 194 pages