
©Marc Blanchet
« Frères, / chaque automne / l’un d’entre vous / prononçait ses adieux. // Je gardais silence. / Inventait bouche close / le poème. // Avec des fils / dans mes lèvres. // Comme ceux qui là-bas / électrifient les bêtes. »
Suites et fins n’est pas le plus joyeux des livres, mais il va, en sa troisième section, vers les roses.
Publié en Belgiques par les éditions Le Cormier, il est de Marc Blanchet, écrivain et photographe – j’ai présenté Also The Trees et 17 secondes parus à L’Atelier contemporain en collaboration avec Immanences éditions.
Composés de poèmes courts comme des coups de canif dans la chair de la détresse, ce recueil traverse la relégation et l’inimitié pour s’ouvrir sur le sans-pourquoi floral.
« Des années à me soustraire / être moins que le dernier. // A rester au secret de la mère, / ne pas gêner / les ascensions en cours. // S’avouer pure perte, / Se cacher derrière la forêt. // Ailleurs qu’en la table garnie. »
Le lexique est simple, et les empêchements nombreux.
Il faut la violence des mots posés sur la rugosité du papier pour faire entendre raison à l’injustice.
« J’étais sans parole. // Des heures dans la chambre, / avec l’attente pour collier. // Aboyant pour dire oui. // Et complaire. »
Il faut passer à travers les fils dénudés de la peine, ne pas trop pleurer.
« Ainsi une vie s’éleva, / multipliant les séparations. // S’amusant des querelles, / elle prit la famille à revers. »

©Marc Blanchet
Traverser des orages intérieurs.
Faire entendre la révolte du squelette.
« Pourquoi m’avoir chargé de chaînes ? // J’étais si peu. // Seulement vous aimiez écarteler. // Rire entre deux plaies. »
La gueule de loup des frères.
Etre à peine un gibier.
« Frères, / vous chutez / un / à / un / et / j’avoue / jou / ir / en ce jour / anodin. »
Se taire ?
Se taire ?
Se taire ?

©Marc Blanchet
« Parfois des images, des vérités, / des audaces, parvenaient à se dire. // Bouche bée des invités. // Vous leur proposiez / de rejoindre la nuit. // Avant d’écraser ma voix / sous vos kilos. »
Aller vers l’Ouvert, refuser la prison de la sentimentalité, expulser la hache en soi.
Les roses seront là, à la dernière heure, comme à la première.
Elles fanent, mais font fleurir en soi des couronnes en pétales.
« Palpez le sein / dessous les roses. // Descendez au plus secret – / l’autre rose, c’est ça. // Pénétrez la famille entière. // Ne pleurez pas / à l’heure de jouir. »
On trouve à Malestroit (Morbihan), dans le petit cimetière du monastère des Augustines, la tombe de la religieuse Yvonne-Aimée.
Sa sépulture est le lieu d’un pèlerinage étonnant les visiteurs : une odeur de rose s’en dégage en permanence.
N’y voyez pas miracle, mais un signe d’élection.
La sainteté sent bon.
« Un an déjà. // Dans le jardin, / elles se tiennent droites – / et c’est ailleurs. // Un an / et puis après. // Regarde les roses. »

Marc Blanchet, Suites et fins, Le Cormier, 2022, 108 pages
https://lecormier.net/2022-suites-et-fins-marc-blanchet/

©Marc Blanchet
