A vos têtes, par Victor Hugo, dessinateur

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©Les Cahiers Dessinés

La proximité physique entre Victor Hugo photographié en 1852 à Jersey (de face, main soutenant le menton) et Jean-Pierre Léaud (âge mûr) ne manque pas de m’étonner, et de me ravir.

Il y a évidemment du génie chez ces deux-là, des tempêtes de folie, un ordre supérieur.

Les Cahiers Dessinés publient aujourd’hui un ensemble méconnu de l’exilé sublime, Têtes, consacré à l’abondante production de visages dans son grand œuvre dessiné – à peu près la moitié de sa production graphique comportant quatre mille numéros.

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Si l’on a vu souvent ses marines, ses architectures sombres, ses paysages et scènes de voyage, la vision de ses figures humaines ou de formes animales est, par son ampleur, une découverte.

Victor Hugo a usé du crayon, du fusain, du sépia, du charbon, de la suie, ses les lavis, par leur teinte brune inquiétante, donnant ici à ses têtes un aspect fantastique.

Il est impossible de ne pas penser à Alberto Giacometti – ou Antonin Artaud – s’interrogeant sans cesse : Qu’est-ce qu’une tête ? Mais, qu’est-ce qu’une tête ?

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Hugo écrit en permanence, même quand il dessine, ou photographie.

Le geste scripturaire dessine des lettres ou des formes évoquant avec puissance l’univers de Jérôme Bosch ou de Goya.

Composées très tôt, à la pleine époque de l’essor de la caricature, ses figures relèvent du dessin satirique, comme du grotesque, sa galerie de personnages témoignant des bas-fonds de l’humanité, et de la psyché.

Il y a du théâtre ici, telle une présentation d’acteurs en quête d’emploi.

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« Sans entrer dans toute la complexité de l’anthropologie hugolienne, écrit avec pertinence Thomas Cazentre, conservateur au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, constatons que la pauvreté engendre plus de Thénardier que de Jean Valjean, et le cléricalisme plus de Torquemada que de Myriel. Comme chez Goya, le sommeil de la raison, chez Hugo, c’est la misère (économique, et bien au-delà spirituelle, morale, existentielle) qui accouche de ces monstres dont les dessins nous contraignent à regarder l’horreur, ou la simple et pauvre mesquinerie. »

Quasimodo sourit, et c’est toute la création qui jouit.

Certains dessins donnent le sentiment d’avoir été conçus pour amuser les enfants, d’autres pour divertir, à la façon d’un badinage dessiné, les couples, élégantes et gommeux.

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Victor Hugo se distrait avec virtuosité, se délasse avec une ironie macabre, s’essaie à montrer l’informe glèbe (du haut, et du bas).

On songe à Daumier pointant l’assurance des assis, et leurs ridicules.

A la façon de Charles Le Brun étudiant les émotions fondamentales exprimées sur les visages, l’écrivain s’exerce, dans la vigueur du dessin rapide, à saisir la comédie humaine.

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Nous sommes au tribunal, les protagonistes se sont avancés, le spectacle est de choix.

Même lorsqu’il dessine Démocrite, Héraclite ou Aristote, il y a chez Hugo la conscience d’une humanité homicide, et d’un basculement possible à chaque instant de la beauté à la hideur.

Maître des antitthèses, Hugo parvient au grandiose par la déformation de ses figures, l’animalité humaine étant peut-être l’un des noms secrets de Dieu.    

Victor Hugo, Têtes, texte de Thomas Cazentre, mise en page Frédéric Pajak, Les Cahiers Dessinés, 2023, 136 pages

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