
©Mathieu Do-Duc
Mathieu Do-Duc pratique la photographie comme un échange.
L’humain est au centre de ses préoccupations, et ce qui se joue dans les interactions entre l’individu, la communauté et son environnement.
Au Bénin, utilisant un Polaroïd FP100, le voyageur, admirateur de Bernard Plossu et d’Edouard Boubat, comme des maîtres de la Street Photography, a pu directement offrir aux personnes qu’il a rencontrées un tirage en témoignage de leur relation, gardant pour lui des négatifs aux couleurs fabuleuses (retravaillés ensuite numériquement), colligés dans un livre intitulé Polas Bénin.
Ce pourrait être le nom d’une déesse, ou d’un fétiche, ou d’une contrée unique, imaginaire, ressemblant certes à ce pays africain de dix millions d’habitants qu’il a parcouru en tous sens.

©Mathieu Do-Duc
Mathieu Do-Duc prend le temps – les images datent de deux voyages effectués en 2014 et 2015 -, du regard, et du respect.
« Le Bénin, écrit-il en postface, est le berceau du Vaudou et bien des guides et des gens vous diront qu’il faut être extrêmement précautionneux avec la photographie pour ne pas être mal perçu et susciter l’animosité, ne pas créer de malentendu, de malaise, d’incompréhension ! C’est un exercice infiniment délicat et périlleux ! »
Polas Bénin est une sensation d’Afrique, dans la chaleur des couleurs et de leurs nuances, et le mystère des apparitions.
Un homme se tient seul dans le lointain sur sa barque. Est-il dans quelque bras du fleuve Niger arrivé à son delta ou sur le fleuve Ouémé ?

©Mathieu Do-Duc
La substance des images, due pour une part au hasard de la chimie, participe d’un voyage dont les coordonnées, si elles sont concrètes, demeurent surtout oniriques.
Un camaïeu de verts, un nautonier, une luxuriance végétale.
Où va ce calme navigateur debout sur son esquif alors que le cadre de vision prend feu avec le soleil du crépuscule ?
Il y a du sable et de la solitude, des enfants allant à l’école à quelques kilomètres de chez eux et de possibles surprises sur le chemin.
Ange & Marc Alexandre Oho Bambe écrivent joliment à propos de petites filles entraperçues : « Petites princesses / Drapées dans le pagne / Des jours qui viennent // La rue vous appartient »
Au village, les mamans portent le monde, femmes de courage.

©Mathieu Do-Duc
Mathieu Do-Duc observe la réalité s’organiser devant lui, attentif çà et là aux pointes de l’enchantement.
Des baraquements, des petits commerces, de la gélatine fantomatique ou brûlée.
Un ancien s’avance : « Je porte / Mes rides / De jeunesse / Sur mon visage / Fièrement / Car je sais / Les privilèges / De l’âge / Un jour / La vie me reprendra / Dans ses bras / En fleurs généreuses / Après m’avoir appris / A vivre / Je n’ai donc pas peur / De la mort. »
Regards francs et droits, dignité, complicité éphémère.
Beauté des corps dans le rectangle coloré, des visages, des sourires.
Polas Bénin est un livre rassemblant la famille humaine dans un pays menacé par la division djihadiste, l’autoritarisme politique et les prédations des néolibéraux cupides.

Mathieu Do-Duc, Polas Bénin, textes Ange & Marc Alexandre Oho Bambe, Images Plurielles Editions, 2023
https://www.imagesplurielles.com/fr/
Paraissent conjointement, dans la nouvelle collection intitulée « Librement », chez Images Plurielles Editions, Scampia non solo Gomorra, de Olivier Calicis ; Ressac, de Grégoire Eloy ; Photografika, de Adrien Tache, Des Roses sous les épines, de Oriane Zérah (chroniques probables à venir)
