
J’ai présenté il y a quelques semaines Auctus Animalis, de Vincent Fournier et Sébastien Gaxie (prix Swiss Life à 4 mains), fable mettant en scène en images et musique un capitaine parti à la recherche d’une mystérieuse météorite tombée dans l’Atlantique, roche contenant un minerai capable d’accélérer la conquête spatiale.
Paraît également de Vincent Fournier, à l’occasion de son exposition éponyme au Musée de la Chasse et de la Nature (Paris), Uchronie, qui évoque notre relation à la nature et à la technologie dans une version de l’histoire, comme le veut le genre, telle qu’elle aurait pu se passer.

Deux thèmes en sont centraux : la réinvention du vivant et l’aventure spatiale, la dimension fictive du regard de l’artiste étant indéniablement nourrie par la lecture de romans de science-fiction ou d’anticipation, et la vision de films relatant des rencontres du troisième type.
Règne dans Uchronie un esprit d’enfance doublé d’une fascination pour la technologie à la Jules Verne et la force d’inventivité du vivant.
Les temps se télescopent, alors que le casque d’astronaute de Charlie Bolden Jr., premier Africain-Américain à la tête de la Nasa, devient une mosaïque troublante en pâte de verre.

Il y a du space opera chez Vincent Fournier, de la légende, des hallucinations.
Nous sommes en Islande ou sur Mars, quelle différence depuis les firmaments ?
Réalisées sans trucage ni photomontage, les paysages vertigineux que contemple le photographe relèvent du sublime extraterrestre.
Voici ce que le monde pourrait être/est en plusieurs séries, Le Cœur immortel (sorte de pierre philosophale en or, plomb et citrine), Les Fleurs de chair, Opera Cantus Flora, Drone Méduse (squelette d’un drone-méduse découvert dans la vallée du Rhône en 2057), Flora Inc©gnita, Post Natural History, qui est un bestiaire participant de l’héraldique médiéval et du merveilleux.

Le fennec blanc aux oreilles dressées est-il issu de la réalité, de l’imaginaire de l’artiste, ou de quelque laboratoire secret ?
Et ce charançon blasonné ?
On comprend que ces animaux sont des créatures augmentées par la puissance technologique, que le lapin est d’une intelligence supérieure, et que le scorpion a été équipé pour permettre des opérations chirurgicales à distance.
Le médiéval rejoint le futur, et le surréalisme l’intelligence artificielle.
Les repères sont brouillés, on ne sait plus ce que l’on voit, tout est de l’ordre de la fantasmagorie, tel le Chien nuage voyageur, possédant le don de la transsubstantiation – du chien au nuage – et de téléportation.

Chez Vincent Fournier, la métamorphose et les mutations sont une évidence, tout comme l’hybridation ou la possibilité de créer des chimères.
Son œuvre se présente comme un vaste cabinet de curiosité anticipant les temps nouveaux, comme sa Galerie de papillons terriblement présents, à la fois anciens et neufs, nous offrant magnifiquement, ailes déployées, l’avenir.

Vincent Fournier, Uchronie, textes de Christine Germaine-Donnat, Ariel Kyrou et Patrick J. Gyger, éditeur Patrick Le Bescont, design graphique Yann Linsart, Filigranes Editions / Musée de la Chasse et de la Nature, 2023, 144 pages
https://www.filigranes.com/livre/uchronie/
https://www.vincentfournier.co.uk/
Exposition du 11 avril au 17 septembre 2023 au Musée de la Chasse et de la Nature (Paris) – directrice éditoriale et commissaire générale de l’exposition Christine Germaine-Donnat / commissaire associé David Biard
https://www.chassenature.org/expositions/uchronie

Auctus Animalis est présenté lors des Rencontres d’Arles à l’espace L’Aire, du 17 juin au 7 septembre 2O23, puis au Centre photographique de Marseille, du 27 septembre au 21 octobre 2023