Céline Laguarde, la renaissance d’une photographe, par Thomas Galifot, historien de l’art

©Musée d’Orsay

Une photographe exceptionnelle, très peu connue aujourd’hui, bien qu’ayant été internationalement célébrée de son vivant, est actuellement exposée au musée d’Orsay. Il faut courir voir son exposition, ou/et se procurer l’ouvrage Céline Laguarde Photographe, publié par les éditions Gallimard.

Première monographie consacrée à une femme photographe française d’avant 1914, cet ouvrage, écrit par le conservateur en chef pour la photographie au musée d’Orsay, Thomas Galifot, participe de la renaissance d’une artiste majeure, découverte à l’occasion de l’exposition Qui a peur des femmes photographes ? (musée d’Orsay, 2015)

©Musée d’Orsay

S’inscrivant dans le premier mouvement artistique de l’histoire de la photographie, le pictorialisme, Céline Laguarde (1873-1961), d’origine basque, vécut la plus grande partie de son existence en Provence.

Distinguée pour sa virtuosité technique – gommes bichromatées, encres grasses… -, la photographe excella dans nombre de genres, paysages, études de figures, natures mortes, portraits de personnalités (Paul Bourget, Francis Jammes, Maurice Barrès, l’entomologiste Jacques-Henri Fabre ressemblant à un Indien breton), microphotographie scientifique.

Pianiste de talent, remarquée particulièrement pour sa façon de jouer Bach, Céline Laguarde, surnommée en basque « Tipia » (la petite), fréquenta des musiciens importants, dont elle fit le portrait : Darius Milhaud, Francis Poulenc, Camille Saint-Saëns, Ernest Chausson, Gabriel Fauré…

Jacques-Henri Fabre ©Musée d’Orsay

Liée au milieu du renouveau catholique français, cette femme indépendante réputée autodidacte, qui épousa un protestant suisse plus âgé, brillant professeur d’anatomie humaine et d’embryologie, n’est pas une révolutionnaire, mais son art l’est, à la façon dont Baudelaire s’écriait : « La révolution a été faite par des voluptueux. »   

Admise au prestigieux et très sélect Photo-Club de Paris, Tipia, qu’admire Alfred Stieglitz, connut une ascension fulgurante.

On pense bien entendu à l’œuvre de Julia Margaret Cameron, à l’influence de la peinture, notamment celle de Dante Gabriel Rossetti, mais l’on ne pense plus, on voit, on ressent, et tout est merveilleux, qu’il s’agisse pour les paysages des Ruines des Baux, d’atmosphère très hugolienne, d’un Cimetière basque, d’un Coin de rue à Tolède, ou d’une vue de Bruges évoquant le fameux roman du symboliste Georges Rodenbach.   

©Musée d’Orsay

Mais il faut s’attarder aussi sur les portraits de femmes, souvent des jeunes modèles issues de la bonne société, cheveux non tenus, sensualité préraphaélite, regards d’introspection.

Chaque photographie relève d’une grâce un peu sauvage, on est ému, nos ancêtres étaient sublimes.   

Plus de deux cents œuvres de Céline Laguarde ont rejoint le musée d’Orsay.

©Musée d’Orsay

Des trésors sont encore cachés ou simplement conservés çà et là, le temps les dévoilera probablement.

C’est l’anthropocène, camarades ? Oui, mais vive maintenant, vive demain.

Thomas Galifot, Céline Laguarde Photographe, Gallimard / Musée d’Orsay, 2024, 208 pages

https://www.gallimard.fr/catalogue/celine-laguarde/9782073073013

©Musée d’Orsay

Exposition éponyme au musée d’Orsay, du 24 septembre 2024 au 12 janvier 2025

https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/celine-laguarde-photographe-1873-1961

https://www.leslibraires.fr/livre/23576853-celine-laguarde-photographe-thomas-galifot-gallimard?affiliate=intervalle

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Après avoir vu l’exposition, je n’ai pas hésité à acheter sans plus attendre le catalogue très bien fait et d’une lecture instructive à propos de cette artiste dont on a dû reconstituer la vie tant bien que mal, elle-même n’ayant rien écrit.

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