Entrer chez Morandi, par Bernard Plossu, photographe

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©Bernard Plossu

« Morandi était un voyageur immobile. La diversité chez lui naissait de la réitération du même, de l’exaltation de l’identique, à commencer par l’organisation de ses journées se partageant de manière précise et inamovible entre son enseignement de la gravure à l’Académie et son travail de peintre chez lui, via Fondazza. » (Guy Tosatto)

La vie avec Giorgio Morandi, c’est irénique.

La vie avec Bernard Plossu, c’est fantastique.

©Bernard Plossu

La vie avec les fotos (sic) de l’un de la maison, des œuvres et de la ville de l’autre (qui vivait à Bologne), c’est magnifique.

Publié par les éditions Marval – Rue de Visconti, Aller chez Morandi est de ces livres qui tout de suite agrandissent l’existence, et nous mettent en relation avec la beauté.

Pas d’afféterie, de séductions faciles, non, de la belle photographie, en nuances de gris, et presque cubique parfois, pour un peintre immense célébré tel un ami.

©Bernard Plossu

On le sait bien, les natures mortes réussies, en photographie ou peinture, sont des acmés de vie.

Quand tout s’effondre, l’union d’une table, de quelques bouteilles, d’une carafe et d’autres objets ordinaires, sauve l’entièreté du génie humain.

Il n’est nul besoin de prouver sa singularité dans l’ordre des espèces par l’invention de quelque nouvelle machine diabolique, non, savoir inventer un modeste intérieur rempli de présences suprêmes – chaise, lit, cadres, poignées de porte, objets d’atelier – suffit amplement.

Dans la capitale de l’Emilie-Romagne, Bernard Plossu se promène, observe un coin de rue, marche là où Morandi (1890-1964) faisait ses courses, devient Morandi.    

©Bernard Plossu

Aller par le visible au-delà du visible, telle est l’ambition des deux artistes capables de donner une forme à l’arrêt du temps.

On peut s’amuser à prendre des photos, ou peindre, ce qui est très bien, mais la valeur salvatrice des plus grandes œuvres vient de leur obstination à durer, à persister dans leur être, à rejouer sans cesse le mystère qu’elles figurent ou dont elles s’approchent.

Composé de trente-cinq photographies, Aller chez Morandi est le livre d’un passionné de Corot, et d’Italie, pays où naître, renaître et mourir.

« Plossu a vu et étudié, précise en préface Francesco Zanot, les peintures de Mario Sironi, Emanuele Cavali, Alberto Ziveri, Antonietta Raphaël, Mario Mafei et de beaucoup d’autres encore. Il s’est approprié les architectures émiettées des paysages d’Arturo Nathan et les vues blanchies de Virgilio Guidi. Ce n’est pas tout : Plossu fréquente avec la même familiarité la littérature italienne su siècle dernier. Massimo Bontempelli, Carlo Emilio Gadda, Carlo Levi, Cesare Pavese, Piero Chiara, Anna Maria Ortese, Guido Ceronetti, Elisabetta Rasy ne sont que quelques-uns des noms que je lui ai le plus souvent entendu prononcer depuis le temps que nous nous connaissons. »

©Bernard Plossu

On vit, on déambule, on se cultive, on est attentif à la lumière et aux ombres, on se glisse entre des architectures modestes et puissantes, on arrive Casa Morandi, on sonne, le maître nous attend, nous fait monter, puis visiter son logis.

Morandi est là, sorti de l’urne funéraire de tous les temps traversant le grand œuvre de Bernard Plossu, frère d’âme avec tous ceux ayant choisi la voie du dépouillement pour toucher les points de vérité qui échappent au social.  

Bernard Plossu, Aller chez Morandi, textes de Guy Tosatto et Francesco Zanot, éditons  Marval – Rue Visconti, 2025, 56 pages

https://mouvements-ruevisconti.com/livres-photo/2335-bernard-plossu-giorgio-morandi.html

©Bernard Plossu

https://www.bolognawelcome.com/fr/lieux/musees-et-collections-privees/musee-morandi

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