Voici un livre très agréable à lire, intelligemment composé, joliment édité, retraçant les vingt-quatre heures ayant précédé la blessure par éclat d’obus de Gui de Krostrowitzky, dit Apollinaire, dit Kostro pour ses hommes, le 17 mars 1916, vers seize heures, dans une tranchée de première ligne, au lieu-dit le Bois des Buttes.
L’auteur de Calligrammes lisait alors une revue littéraire, le Mercure de France, qui, « annotée de sa main », « vient d’être retrouvée en Bavière, non loin de Munich ».
Engagé volontaire, Apollinaire, érotomane, grand buveur, poète immortel, voit des fusées, accuse réception, est aux anges : « … c’est épatant d’être militaire et je crois que c’est le vrai métier pour un poète. » (Lettre à Mireille Havet, 3 janvier 1915)
Ecrit de façon savoureuse, à la façon de Céline – le goût de l’argot, de la fraternité popu, du tragicomique quotidien – Les obus jouaient à pigeon vole (vers d’Apo confié à Lou) célèbre avec légèreté la force et le courage d’un homme pour qui la guerre fut une nouvelle façon d’entrer en langue, une manière de réveil (vivre l’instant à l’instinct), un swing majeur, une occasion unique de vaincre la mort.
Carte postale : « Je t’écris de dessous le tente / Tandis que meurt ce jour d’été / Où floraison éblouissante / Dans le ciel à peine bleuté / Une canonnade éclatante / Se fane avant d’avoir été »
Raphaël Jerusalmy, Les obus jouaient à pigeon vole, Editions Bruno Doucey, 2016, 180p
Exposition Apollinaire le regard du poète, musée de l’Orangerie, Paris
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