
Il est possible de passer des heures délicieuses à écouter les créations sonores de Jean-Guy Coulange en se connectant à son site.
Essais radiophoniques diffusés notamment sur RTBF La Première, les reportages de ce grand compositeur d’univers sonores nous emmènent au Havre, aux îles d’Aran, en Californie, en Turquie, ou par exemple à Portsall trente ans après la catastrophe de l’Amoco Cadiz.
Les pistes de sons s’entrelacent, se superposent, la musique devient savante, et nous entraîne dans un voyage où les informations que nous recevons sont trouées de silence. Le temps est suspendu, laissant à chaque auditeur le soin de comprendre, douter, et réinventer ce qu’il a cru entendre.
En onze textes et trente photographies, Jean-Guy Coulange dévoile avec Je descends la rue de Siam – nous sommes à Brest, l’appétence pour les Finistères de l’esprit semble manifeste – un ensemble de carnets et images ayant accompagné chacune de ses aventures sonores.
Qu’il s’agisse de journaux, de photographies ou de la musique du monde, la qualité d’écriture, de captation et de montage de ce compositeur de mots, d’images et de sons, est chaque fois d’une grande finesse et de vraie délicatesse, parce que nourrie d’écoute envers ce qui vient, est attendu, ou se présente à l’improviste.
« Je descends la rue de Siam. Pour un brestois c’est comme la Cannebière, il y a la mer au bout. Moi le non brestois je pense à Royaume de Siam de Gérard Manset, à l’Asie, au bout de quelque chose. »
Principe : dire ce que l’on est, ce que l’on voit, ce que l’on ressent.
Fraternels, les reportages de Jean-Guy Coulange le sont, qui font de la fragilité et de la délicatesse des points de rencontres, des pointes d’appuis.
Dans un Cahier sonore daté de 2008 (documentaire Californie), celui-ci écrit : « Comment raconter en son ? Le « captateur » sonore doit vivre son aventure dans l’instant, comme le photographe, puis plus tard dans la re-composition, comme l’écrivain. Double difficulté. Tout cela est simple. »
S’élabore peu à peu, par touches légères et interrogatives, une poétique de la prise de son, qui est aussi un art de vivre, teinté de mélancolie et d’humour : « Ce matin, je dois enregistrer l’âne de Nicolas mais ce dernier me pose un lapin. »
Vous ne riez pas ? Relisez, vous avez lu trop vite.
Livre à parcours-lire autant qu’à entendre dans son grain particulier (son style, sa voix), Je descends la rue de Siam peut aussi être approché comme le carnet visuel d’un amoureux des sons, la petite constellation des images reproduites dans cet ouvrage très bien édité (Hippocampe Editions) formant un ruban photographique sensible aux beautés comme aux mystères du monde, du visage à l’abstraction (lichen, lichen), qui est une manière de figure profonde.
Au fait Jean-Guy Coulange, comment vous définissez-vous ?
« Documentariste ? J’ai du mal. Je suis d’accord pour endosser cet habit car je n’en ai pas d’autre à proposer pour l’instant. Musicien ? Evidemment mais ça c’est de l’horlogerie interne, je suis fabriqué comme ça. Reporter ? Que vais-je « reporter » ? Qui me croirait ? Je vais voler et redonner. Je vais écouter, inventer et raconter. Ecouteur, ça fait un peu chiropracteur. On va dire musicien-écouteur qui fait un documentaire. »
Et l’on comprend soudain que cet homme-là, cherchant le fantôme de Joris Ivens aux îles d’Aran, a aussi beaucoup lu Nicolas Bouvier.
Jean-Guy Coulange, Je descends la rue de Siam, Carnets sonores et photographiques, Hippocampe Editions, 2016, 128p
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Festival Longueur d’ondes, du 31 janvier ou 5 février 2017 (Brest)