
Publié en pleine période électorale, le livre La France vue d’ici est un projet très ambitieux, dont le but est d’établir, sans dogmatisme ou orientation idéologique, un portrait photographique éclaté, surprenant, inquiétant, douloureux, magnifique, d’un pays aussi familier qu’inconnu, peut-être, pour ses habitants eux-mêmes.
Livre politique en ce qu’il cherche à montrer ce qu’est un peuple, dans la multiplicité des points de vue proposés (vingt-cinq photographes y sont représentés), La France vue d’ici est issu d’un projet initié dès 2014 par le journal en ligne Mediapart et le festival sétois ImageSingulières, suivi par un grand nombre de citoyens – journalistes, enseignants, chercheurs, artistes, internautes – ayant souhaité que ce livre existe.

Au total, 540 images reproduites rendent perceptibles la réalité et la diversité d’un pays dans des thématiques aussi diverses que l’engagement (Nadège Abadie, Jean-Robert Dantou), les voyageurs de la gare Saint-Lazare (Frédéric Stucin), la maladie d’Alzheimer (Hervé Baudat), les Bains douches (Florence Levillain), les Roms (Jacob Chetrit), les vacances (Loïc Bonnaure), le Pays basque (Anne Rearick),les ouvriers (Raphaël Helle, Alexandra Pouzet), l’amiante (Nanda Gonzague), les pêcheurs bretons (Vladimir Vasilev), Les Ardennes (Pablo Baquedano), les jeunes en Picardie (Alexa Brunet), Marseille (Yohanne Lamoulère), le décrochage scolaire (Patrice Terraz), les apprentis (Géraldine Millo et Joseph Gobin), un bar sétois (Vladimir Vasilev)…

Sophie Dufau (Mediapart) et Gilles Favier (ImageSingulières) signent en préface un texte généreux établissant les contours d’une entreprise nécessaire, à l’heure des replis identitaires et de la montée des populismes de haine, cherchant à dire la beauté âpre, difficile, ou simple « d’un pays vivant ».
Ouvrir les yeux, ne pas écraser les récits possibles sous la glose, rendre compte d’une multiplicité de regards, assumer une pluralité d’esthétiques, chercher la bonne distance, alerter sans terroriser, constituent les ambitions majeures d’un livre porté par la noblesse du photojournalisme – et l’on pense aux grandes heures du journal Libération (années 80).
On peut bien sûr préférer telle ou telle série, s’attarder longuement sur un portrait ou un paysage, vouloir se renseigner davantage sur les photographes qui nous ont le plus touchés, mais l’essentiel est ailleurs, c’est-à-dire dans le flux des images et perspectives mettant le spectateur au travail, et l’invitant à se décentrer pour regarder autrement, mieux, plus loin.
La Peuge © Raphaël Helle / Signatures
Entre l’effondrement de l’ancien monde, et l’apparition du nouveau, La France vue d’ici témoigne de la richesse souvent inaperçue de l’interrègne dans lequel nous vivons – environ mille images sur le site www.lafrancevuedici.fr
Inspiré du projet Facing change, documenting America, La France vue d’ici – financement collaboratif – établit pour notre pays un corpus documentaire destiné à nourrir le débat politique actuel.

On se souvient de la célèbre formule d’Auguste Blanqui : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »
Sans rien retirer à cette pensée, le parti-pris des auteurs de La France vue d’ici n’aura pas été de photographier des monstres, mais des visages et des corps avec qui tenter de fraterniser.
La France vue d’ici, préface de Sophie Dufau et Gilles Favier, texte de Edwy Plenel et Christian Caujole, postface de Laurent Davezies et Pierre Schoeller, Editions de La Martinière, Mediapart, ImageSingulières, 2017, 336p
Liste des photographes et journalistes présentant leurs travaux : Nadège Abadie, Paul Arnaud, Pablo Baquedano, Hervé Baudat, Loïc Bonnaure, Alexia Brunet, Jacob Chetrit, Jean-Robert Dantou, Mathieu Farcy, Bertrand Gaudillière et Catherine Monnet, Joseph Gobin, Nanda Gonzague, Raphaël Helle, Yohanne Lamoulère, Stéphane Lavoué et Catherine Le Gall, Hervé Lequeux et Sébastien Deslandes, Florence Levillain, Géraldine Millo, Marion Pedenon, Romain Philippon et François Gaertner, Alexandra Pouzet et Bruno Almosnino, Anne Rearick, Frédéric Stucin, Patrice Terraz, Vladimir Vasiliev
Exposition à La Maison des Métallos (Paris), du 22 mars au 16 avril 2017
A la gare Saint-Lazarre (Paris), exposition des images de Frédéric Stucin – jusque mi-avril 2017
A La Halle au sucre (Dunkerque), Nanda Gonzague, du 19 mars au 14 mai 2017
Au Gymnase-espace culturel de l’Université de Franche-Comté (Besançon), Raphaël Helle, du 23 mars au 21 mai 2017
Au Sheds de Pantin dans le cadre du mis de la Photo du Grand Paris (Pantin), Florence Levillain, du 27 mars au 21 avril 2017
A L’Imagerie de Lannion (Lannion), Stéphane Lavoué et Catherine Le Gall, du 24 juin au 7 octobre 2017
A la Galerie Leica Store (Paris), Pablo Baquedano, juin/juillet 2017

Le Festival ImageSingulières (Sète), du 24 mai au 11 juin
Acheter La France vue d’ici sur le site leslibraires.fr