
« Parce que leur histoire d’amour est belle, Jacqueline veut la raconter, comme un désir d’éternité. En 2008, elle s’est mariée avec Serge, son amour de jeunesse, perdu et retrouvé trente ans plus tard. »
Voilà, tout est dit d’une très belle histoire que la photographe Laure Vouters, leur amie de hasard, va narrer en images.

On se rencontre en classe, on s’apprécie, on rêve un peu, et puis la vie nous jette sur la route. Alors, quand les regards peuvent de nouveau s’entendre, c’est comme si le temps n’avait pas existé, qu’il n’était pas notre ennemi, mais qu’il attendait simplement le bon moment pour que l’amourette devienne un vrai amour.
Bien sûr les corps ne sont plus comme avant, ils sont même tout cabossés, déglingués, cassés. Et alors ?

N’aime-t-on pas en l’autre les blessures, les fragilités ?
Ne vit-on pas ensemble pour se soutenir ?

Dans la maison de brique, Serge et Jacqueline vivent une passion. Bien entendu, Yvonne la belle-mère râle un peu, mais au fond quelle chance il a son garçon !
Cette modern love se déroule à Lille-Sud, quartier difficile, déshérité, plein d’humanité.

Laure Vouters les accompagne au quotidien.
Dans ses images, aucun pathos ou misérabilisme ou position surplombante, non, le bonheur de vivre ensemble une belle aventure.

« Je suis accueillie dans le quotidien de ce couple au langage spontané, aux gestes naturels, aux rituels singuliers. Un petit monde plus organisé qu’il n’y paraît, où il existe une marraine des chiens et une voiture du Père Noël… Une vie tendre et lumineuse, parsemée d’humour et pleine de pudeur. »
Jacqueline est analphabète, Laure écrira sa légende comme on le fait parfois des petites gens sur les vitraux dans les églises.

Son livre est construit en quatre saisons, parsemé de biographèmes : « Jacqueline est née le 15 mars 1960. Elle a surmonté de nombreuses maladies. Archange, le Pasteur Evangélique des gens du voyage, l’a guérie de la fièvre aphteuse lorsqu’elle n’avait que deux ans ? En 1972, elle a déclaré une fièvre froide. Elle se dit miraculée. »
Une vie d’ouvrière, pleine de rencontres, de douleurs.

Quatre enfants, quatorze petits enfants, imaginez la fierté !
« Serge est né le 6 septembre 1961. Il a toujours vécu avec sa mère. Orphelin de père à douze ans, il n’a jamais exprimé ses émotions, les gardant profondément en lui. » Son père avait le don de guérison par les mains.

Serge aime son Dieu, porter des tee-shirts à têtes de Sioux, écouter Johnny Hallyday, et avoir la barbe impeccablement tenue, façon Led Zep, ou rasée, ça rafraîchit.
Chez eux, il y a des portes peintes en bleu, des poissons rouges, la petite chatte Zoupette, le chat Mickey, et Charlie le caniche acheté à Amiland : « Charlie pleure comme un gosse quand il a mal à ses oreilles. »

Dans l’entrée, il y a pour Jacqueline tout un tas de béquilles, et sur la table à manger des médicaments.
« Serge regarde tous les jours son compte bancaire sur son smartphone. »

Des télécommandes, des ours en peluche, des steaks hachés dans la poêle.
Des urnes funéraires pour les anciens compagnons à quatre pattes.

Serge & Jacqueline n’est pas un livre de sociologie ou un photo-roman, c’est un témoignage d’amitié, une volonté de rendre visible, sans aucune condescendance, les moins visibles, les peu regardés.
« Noël chez Serge et Jacqueline, c’est un peu tous les jours. Certaines décorations restent accrochées toute l’année. Mais quand arrivent les fêtes, on ressent une euphorie encore plus forte. »

Au printemps, une brouille sévère avec la voisine du dessus les obligent à déménager.
Cartons, visages tendus, il faut dire avoir la force de repartir.

« Il faut repeindre les portes en blanc pour récupérer la caution. »
Associé au nouveau logement, il y a un jardin, les bêtes sont aux anges.

Bientôt un poulailler sera installé.
La vie continue, pas très facile, mais il y a de bons moments.
Allez, du Champomy pour tout le monde !
Laure Vouters, Serge & Jacqueline, préface de Michel Christolhomme, éditions Sophot, 2018
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