
« On me désire sans chercher à me connaître. J’accepte. Je donne ma chair, ma peau, mes yeux, mon souffle. Je donne ma voix, mon regard, mon sourire. Je donne ce que je sais et ce que je ne sais pas. Je me livre, moi qui suis sans passé véritable : une poignée de poussière et quelques brins de blé sec. » (Nina Bouraoui)
Descendues des nuées, les stars de cinéma incarnent, pour nous qui sommes devenus pauvres en dieux, des possibilités de mythes.
Usant avec beaucoup de volupté de l’art du sfumato chromatique, le photographe François Fontaine a construit avec Icônes (Editions La Pionnière) un hymne à la puissance d’aura des géants du septième art.

Son livre possède un charme fou, que symbolise en couverture, dans un mélange très subtil de rouges et de roses le buste et le visage de l’actrice Nastassja Kinski tel qu’il apparaît dans Paris Texas, de Wim Wenders (1984).
Il suffit de poser cet ouvrage de grand format sur la table de café où vous travaillez pour que l’assemblée entière des clients du jour en soit immédiatement aimantée.
Réalisées à partir de films projetés sur grand écran, les images de François Fontaine ont une dimension picturale renforçant leur présence.
On ne reconnaît pas toujours tel ou telle, par exemple Jean Seberg dans Pierrot le fou (Godard, 1965), mais on sait tout de suite que quelque chose se passe, que quelqu’un est là, et que sa puissance d’apparition est considérable.

Eric Rondepierre déconstruit les images – ou les laisse se décomposer – jusqu’à la monstruosité, quand François Fontaine cherche davantage à souligner par le tremblement pictural des lignes les sources de notre fascination pour les êtres de pellicule, interrogeant par cela la construction mystérieuse de nos désirs.
Marilyn Monroe s’endort dans Niagara (Hathaway, 1953), Grace Kelly conduit l’écharpe au vent (La Main au collet, Hitchcock, 1955), Cary Grant porte des lunettes noires (La mort aux trousses, Hitchcock, 1959).
Nous nous attachons aux détails du corps (les lèvres d’Elizabeth Taylor, d’Angelina Jolie, de Sharon Stone ou de Scarlett Johansson, la naissance du torse de James Dean, les seins de laine blanche de Catherine Deneuve, la gorge de Silvana Mangano), ou des accessoires (les jumelles de Jack Nicholson, le chapeau de Faye Dunaway, la robe de satin de Nicole Kidman), ou des substances (l’eau du Plongeon de Burt Lancaster, la fumée sortant de la bouche de Romy Schneider dans L’Enfer), nous cherchons à comprendre ce qui nous trouble tant, nous nous heurtons à la surface d’un écran, d’un livre, d’une distance si proche et si lointaine.

Par l’onirisme de ses images surgies de notre inconscient cinématographique, Icônes a la puissance d’un rêve éveillé.
Mais outre leurs réalisateurs Pygmalion, les stars ne seraient rien sans les directeurs de la photographie, à qui l’artiste rend ici un hommage indirect particulièrement vibrant.
La dernière image est d’ailleurs un portait de Raoul Coutard au travail (Le Mépris), soit l’œil d’une caméra, qui est un œil d’appareil photo, qui est un œil de photographe amoureux des apparences, des essences et des éthers.
François Fontaine, Icônes, texte de Nina Bouraoui (en français et anglais), Editions La Pionnière, 2018
Françoise Fontaine est représenté par L’Agence VU’ et la A. galerie