Les poteaux électriques du photographe Bernard Plossu

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© Bernard Plossu

D’abord, on ne sait pas, on ne voit pas, puis, soudain, c’est merveilleux, c’est une totalité, un monde.

Ce sont des images, des miniatures, des vignettes, que structure la présence de poteaux électriques.

Les oiseaux les aiment beaucoup, les êtres humains ne les voient plus.

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© Bernard Plossu

Dans un petit ouvrage et une exposition éponyme à La Non-Maison (Aix-en-Provence), conçue par son amie de longue date Michèle Cohen, Bernard Plossu montre un corpus de photographies inédites où ces lignes verticales, parfois un peu tordues ou de guingois, apparaissent enfin pour ce qu’elles sont, au même titre qu’un bosquet d’arbres ou un mur en parpaings, un miracle.

Les poteaux de couleur rimbaldiens sont ici noir et gris, passeurs d’électricité, coupeurs de vision, totems sans adorateurs.

Nous sommes, entre 1974 et 2007, à Los Angeles, en Espagne, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Grèce, à Thessalonique, à Tenerife, dans le Tarn, sur l’île de Molène (Finistère) où passe la fée illuminant nos nuits.

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© Bernard Plossu

Dans une autre publication du micro-centre d’art aixois, Bernard Plossu révélait en 2009 son admiration pour une des photos de France de Paul Strand, Levens, France, 1950, ayant déclenché un travail très fin sur les paysages urbains ou naturels appelé French Cubism.

L’artiste français poursuit ici sa méditation sur l’infime, le non-spectaculaire, et la façon dont l’homme façonne son environnement proche.

L’ensemble s’avère éminemment pictural, à la façon d’un Corot n’ayant cessé d’accomplir son voyage mexicain initial, initiatique, un peu partout sur la planète.

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© Bernard Plossu

Michèle Cohen évoque La Pie de Claude Monet, Bernard Plossu Edward Hopper, Walker Evans, et, se dégageant subtilement de l’univers de références le plus connu, le peintre américain James Charles Castle (1899-1977) considéré comme l’un des représentants de l’art brut.

La banalité n’est pas ici l’ennemie de l’extase, bien au contraire, elle peut y conduire.

L’unité du monde se vérifie à notre insu, mais il faut peut-être parfois être capable de se retourner, de s’arrêter, pour se rendre compte enfin que le paysage nous regarde autant que nous le contemplons.

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© Bernard Plossu

De livre en livre, de pays en pays, de semelles usées en semelles usées, l’auteur de Surbanalisme (1972) poursuit inlassablement sa quête de conciliation du petit point et du vaste monde, du détail et du macro, du poteau et de la lumière.

Déplié sur la table de travail, il se pourrait bien que le leporello de Bernard Plossu se mette à chanter.

Il n’y a pas de petit sujet.

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© Bernard Plossu

Bernard Plossu, Les poteaux électriques, La Non-Maison, 2019

Exposition éponyme à La Non-Maison (Aix-en-Provence), du 2 mars au 31 juillet 2019

La Non-Maison

2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Stephanie Sepschatski-Chevallier dit :

    Bonjour,

    Je me souviens dans Le Sentier , dans Les récits de la Kolyma, Varlam Chalamov dans un passage fait une description d’un poteau électrique tombé au sol. Superbe. J’y ai pensé en voyant les fotos que vous avez sélectionnées.
    Merci pour l’article et ces fotos de B. Plossu dont j’apprécie les autres images.

    Bonne journée,

    Stéphanie-Alice Sepschatski

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  2. Jean dit :

    Les photographies de Bernard Plossu capturent magnifiquement la simplicité et la complexité des poteaux électriques, ces structures omniprésentes mais souvent ignorées dans nos paysages quotidiens. À travers son objectif, ces poteaux deviennent des œuvres d’art, des témoins silencieux de l’évolution de la société et de la technologie. Merci de partager cette perspective unique et de nous rappeler de trouver de la beauté dans les détails les plus inattendus.

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