
« Ce livre sur et avec Isabelle Huppert, écrit la photographe Carole Bellaïche, est une évidence pour moi depuis notre première rencontre. J’aurais envie de dire qu’avec elle, j’ai trouvé le modèle idéal : complice, joueuse et extrêmement présente. Une grande actrice, d’une rare singularité, qui ne se lasse jamais de ces moments de prises de vue, avec qui tout est possible, et qui par une étrange faculté change sans changer vraiment. Son visage qui m’est si familier maintenant, me surprend toujours, me séduit, me comble dans cette recherche permanente et obsessionnelle de l’idéal, et de la beauté. »
Il y a de la métamorphose chez l’actrice Isabelle Huppert, un trouble fascinant dans l’identité qui fait de chacune de ses apparitions, au cinéma ou au théâtre, une nouvelle occasion de stupeur.
Totalement présente et totalement ailleurs, active et passive, souveraine et nue.

Nombre de photographes de renom (Peter Lindbergh, Henri Cartier-Bresson, Helmut Newton, Nan Goldin, Annie Leibovitz, Bernard Plossu, Patrick Faigenbaum…) ont immortalisé ses traits – on se souvient peut-être de l’exposition en 2006 au Couvent des Cordeliers (Paris), organisé à l’initiative de Ronald Chammah, le mari de la comédienne, de plus d’une centaine de photographies la représentant -, mais aucun n’a eu le privilège de l’accompagner au cours du temps, de ses rôles et de ses voyages comme Carole Bellaïche.
Après une première rencontre ayant eu lieu en 1993, alors que la photographe travaillait pour les Cahiers du Cinéma, les deux femmes n’ont jamais cessé de se côtoyer.
Privilège de vivre régulièrement avec une actrice majeure pendant vingt-cinq ans, dans des situations quotidiennes, ou au travail, et de lui offrir une image invariablement nouvelle et inattendue d’elle-même.

Devenue une star, Isabelle Huppert outrepasse désormais le statut de modèle ou de muse ou de simple employée du spectacle, sa présence est de l’ordre du mythe, de l’inaccessible, de l’intouchable.
La voici en garçonne dans son costume d’Orlando dans une mise en scène de Bob Wilson (1993), en Marlène Dietrich pour un film de Louis Malle, et simplement très belle lors d’un voyage au Brésil.
En préface du livre Isabelle Huppert, que publient les éditions de la Martinière, Alain Bergala écrit joliment : « Comme pour les personnages qu’elle interprète, la Grande Actrice a fait le choix de ne pas « incarner » une quelconque vénusté, mais de construire la séduction de ses images avec des signes qu’elle a choisis et qu’elle cite avec l’élégance d’une certaine distance. »
Il y a chez Isabelle Huppert beaucoup d’enfance (les grains de beauté de la petite fille espiègle), et quelque chose de l’ordre d’un savoir ancestral intuitif.

Elle a dix ans et cent fois plus, elle est un interstice, un intervalle, la palpitation d’une cicatrice dans les failles du temps.
Carole Bellaïche aime la rencontrer dans ses chambres d’hôtel, à la plage, dans les rues, dans des moments de fatigue et d’abandon, dans sa vaste maison de famille.
Souvent photographiée au théâtre de l’Odéon, Isabelle Huppert est une femme-texte, habitée par les phrases des plus grands auteurs, une femme de tête pouvant intimider par son intelligence et ses silences, une cariatide peut-être.
La voici à Cannes, au centre du jeu, puis, en noir & blanc, dans un café en veste de cuir, et fluidité colorée d’un déshabillé à la Fortuny.
Son regard s’absente, elle est une allégorie de la mélancolie.
Maquillage, micros, flashes, bijoux, elle est une reine sophistiquée, et pourtant simple.
Très moderne, glamour et antique, Isabelle Huppert est une femme publique et pudique, audacieuse et secrète, mais c’est aussi la puissance d’un hétéronyme mille fois déplié, nuée se superposant à une nuée.
Monstrueuse et innocente, parfaitement baudelairienne, I. H. est une explosion dans les ténèbres.
Carole Bellaïche, Isabelle Huppert, texte d’Alain Bergala, Editions de La Martinière, 2019, 190 pages
Carole Bellaïche est présente dans l’exposition collective Planche(s)-Contact à Deauville, du 19 octobre 2019 au 5 janvier 2020
Se procurer le livre Isabelle Huppert
Je ne comprends pas. Aujourd’hui les photos sont très longues à charger ( comme si elles n’avait pas été assez réduites) Du coup, dommage car le texte se lit plus vite que les photos ne se chargent! En tout cas, merci pour ce partage !
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Une Marie Stuart : époustouflante !
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