
Pour bien comprendre la logique du livre Tall Tales, de la photographe new-yorkaise Hally Pancer (Arnaud Bizalion Editeur), il faut en décrire précisément le dispositif.
Imaginez deux carnet à spirale associés dans un ouvrage de format italien.
Côté gauche un ensemble d’images, quelques textes, tenus par la spirale qui leur offre souplesse et mobilité. Côté droit, même fluidité.
Des photographies défilent des deux côtés – prises entre 1980 et 2019 avec différents types d’appareil – que la main associe aléatoirement, créant des séquences inédites, des appariements inattendues, des débuts de fictions.

Un lit aux draps froissés/une porte entrebâillée : est-ce le début ou la fin d’une histoire ? Officielle ou clandestine ?
Deux hommes se tenant la main/un poster montrant une séance de réflexologie plantaire – jusqu’où ira le soin ?
Un personnage de profil sur une terrasse de maison, visage masqué par la capuche d’un sweat vert/un cendrier – est-ce un lendemain de fête ?
La logique est ici celle des microfictions, formant une épopée du quotidien, sans véritable drame, ni exaltation.

Ce sont des amorces de nouvelles, des invitations à laisser dériver l’imaginaire, des voyages intérieurs.
Voilà quarante ans de déambulations, d’images en tous sens, tous horizons, toutes situations, tous pays.
Des diptyques, triptyques, polyptiques.
Des images centrales coupées en deux auxquelles se joignent d’autres indices, d’autres vues, d’autres hasards obligeant le spectateur à construire du récit, ou à se laisser happer sans craindre la suspension du sens.
On pense à Hopper, à Atget, à Simenon, à Jarmusch, à Assayas, au souffle d’une narration de grande ampleur dans la vie-cinéma éclatée en une myriade de photogrammes.
Tall Tales n’est pas un flip book, mais une tentative de réappropriation des lieux et des scènes d’une vie multipliée par la force du hors-champ dévoilé.
Hally Pancer, Tall Tales, textes Hally Pancer, Arnaud Bizalion Editeur, 2020
Hally Pancer est représentée par la galerie Madé (Paris)