« Je sors. Je vais m’ennuyer dehors, je m’ennuie trop chez moi. » (Hector Berlioz)
La soirée était exquise, les amis formidables, l’alcool sans modération, mais le matin vous manquez de boussole, vous êtes égaré, hagard, hâve.
Il faut vous rétablir, vous recentrer, retrouver le cap des phrases essentielles.
La déesse Fortune a placé sur votre chemin Pensées pour soi écrites par d’autres, florilège de citations colligées par Hervé Dumez, auteur remarqué d’un précédent livre chez Arléa Incertain Paul Valéry (2016).
C’est un ouvrage de sagesse ne manquant pas d’ironie, l’œuvre d’un lecteur ami du vagabondage littéraire et de la sprezzatura.
L’exergue, très drôle, est de Charles-Joseph de Ligne, ce prince de l’épigramme : « Il n’y a rien de si fatiguant que les gens à citations. »
Fermant le voyage, l’épilogue confié à Robert Musil indique une progression : « Le monde est beau quand on le prend tel qu’il est. »
Entretemps, deux cents pages de propos savoureux, sophistiqués, amusants, et des traits de mousquetaires du verbe.
Quelques exemples, avant que vous ne vous procuriez le livre, idéal pour ne pas mourir idiot à la plage, ou dans un autocar Macron, ou sous votre masque :
- « Le chemin est toujours meilleur que l’auberge. » Bashô ? Non, Miguel de Cervantès.
- « Quoi qu’il en soit, avançons avec confiance. Tous les chemins mènent au pont quand la rivière n’en a aucun. » Tchouang-Tseu ? Cervantès ? Non, Fernando Pessoa.
- « La plus grande marque d’être né avec de grandes qualités, c’est d’être né dans envie. » La Rochefoucauld.
Des noms reviennent, le Marquis de Vauvenargues, Voltaire, Denis Diderot, Hannah Arendt, Marc Aurèle, Jorge Luis Borges, Oscar Wilde, William Shakespeare, Paul Valéry, Stendhal, François-René de Chateaubriand, Hervé Dumez nous ouvrant sa bibliothèque.
- « Le terme de « but » est emprunté au langage des tireurs : être sans but ne signifierait-il pas, à l’origine, se refuser à tuer ? » Robert Musil.
- « Il faudrait convaincre les hommes du bonheur qu’ils ignorent, lors même qu’ils en jouissent. » Montesquieu.
- « Malheur aux gens qui n’ont jamais tort ; ils n’ont jamais raison. » Charles-Joseph de Ligne.
Chacun choisira, errera de nom en nom, de pensée en pensée, s’attardera, s’inquiètera, s’attendrira :
- « Ouvre ta bouche, pistache souriante, vers de tendres paroles. Je t’en supplie, donne-moi la douceur de ton sourire. » Hafez.
- « Où puis-je trouver le temps de ne pas lire tant de livres ? » Karl Kraus.
Hervé Dumez, Pensées pour soi écrites par d’autres, Arléa, 2020, 244 pages
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