L’amour sur feuille de papier, par Claudine Brécourt-Villars, érotophile

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« L’avenir, écrit Louis-Ferdinand Céline en 1932 dans Voyage au bout de la nuit, je vois comment qu’y sera… Ça sera comme une partouze qui n’en finira plus… Et avec du cinéma entre… Y a qu’à voir comment que c’est déjà ! »

Il y a des livres qu’on ne lit que d’une main, ou, mais c’est plus rare, que d’un pied.

Auteure du truculent Du couvent au bordel, mots du joli monde (La Table Ronde, 2017), Claude Brécourt-Villars a rassemblé dans un ouvrage à la couverture rose montrant une chute de reins s’achevant en virgule des extraits méconnus d’écrivains célèbres ayant écrit sur le plaisir.

Il faut piocher, vagabonder, musarder, puis s’attarder sur tel ou tel passage, tel ou tel extrait, laisser monter en soi des rougeurs.

Tout commence par cette citation merveilleuse de Beaumarchais dans une lettre à Mme de Godeville : « Tu ne sais faire l’amour que sur un lit. Il est quelquefois charmant sur une feuille de papier. »

Voici donc le désir comme rigueur (André Breton) et le plaisir comme jouissance par les mots. Les plus grands s’y sont mis, pourquoi pas vous ?

Dans son prologue, Claudine Brécourt-Villars cite le merveilleux La Mettrie (Art de jouir, 1751), on dirait du La Fontaine : « Ne perdons point le temps en regrets frivoles ; et tandis que la main du printemps nous caresse encore, ne songeons point qu’elle va se retirer ; jouissons du peu de moments qui nous restent ; buvons, chantons, aimons qui nous aime ; que les jeux et les ris suivent nos pas ; que toutes les voluptés viennent, tour à tour, tantôt amuser, tantôt enchanter nos âmes ; et quelque courte que soit la vie, nous aurons vécu. »

Allez, commençons, au hasard, à mains et bouche-que-veux-tu, comme dans un bal masqué :

Claude-Prosper Jolyot de Crébillon : « Il semblait que mes transports augmentassent encore ses charmes, et lui donnassent des grâces plus touchantes. »

Madame de La Fayette : « On ne peut exprimer ce que sentit M. de Nemours dans ce moment. Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu’il adorait, la voir sans qu’elle sût qu’il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu’elle lui cachait, c’est ce qui n’a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant. »

Joris-Karl Huysmans : « Sur le sol quelque chose remua qui devint une femme très pâle, nue, les jambes moulées dans ses bas de soie verts. »

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Raymond Radiguet : « Son visage s’était transfiguré. Je m’étonnai même de ne pas pouvoir toucher l’auréole qui entourait vraiment sa figure, comme dans les tableaux religieux. »

André Gide : « Mais, saisissant la main qu’il me tendait, je le fis rouler à terre. Son rire aussitôt reparut. Il ne s’impatienta pas longtemps aux nœuds compliqués des lacets qui lui tenaient lieu de ceinture ; sortant de sa poche un petit poignard, il en trancha d’un coup l’embrouillement. Le vêtement tomba ; il rejeta au loin sa veste, et se dressa nu comme un dieu. »

Pierre Louÿs : « Baiser ? dit-elle. Oh ! si tu veux ! Mais si c’est pour mon plaisir… non ! Moi, tu sais, je ne suis pas une fille compliquée, je n’aime qu’une chose. »

Louis Aragon : « Que j’aime voir un con rebondir. Comme il se tord vers vos yeux, comme il bombe, attirant et gonflé, avec sa chevelure d’où sort, pareil aux trois déesses nues au-dessus des arbres du mont Ida, l’éclat incomparable du ventre et des cuisses. Touchez mais touchez donc vous ne sauriez faire un meilleur emploi de vos mains. Touchez ce sourire voluptueux, dessinez de vos doigts l’hiatus ravissant. »

Pierre Drieu La Rochelle : « Cependant si elle respectait Jacques, sans doute à la longue en a-t-il découlé pour elle l’idée de le violer. »

Louis-Ferdinand Céline : « Il était extrêmement brutal… Elle avait comme ça le cul en l’air… Il lui faisait des drôleries… Il trouvait pas son appareil… » (passage sublime de Mort à Crédit à lire en entier pages 266-268-269 de cette anthologie)

Philippe Sollers : « Je me lève, je me rhabille en douceur… Elle a un petit mmmm mmmm gentil… Je trouve la porte dans le noir… Je suis dans l’escalier froid… »

Il y a aussi des extraits de Stendhal, Victor Hugo, George Sand, Gustave Flaubert, Paul Verlaine, Jean Cocteau, Joseph Kessel, François Mauriac, Robert Desnos, René Crevel, Marcel Proust, André Breton & Paul Eluard, Pierre Jean Jouve, Raymond Queneau, Paul Valéry, Jean Genet, Michel Leiris, Marguerite Yourcenar, tant d’autres stars, et même quelques contemporains : Alina Reyes, Françoise Rey, Annie Ernaux, Julien Cendres, Michel Houellebecq, Virginie Despentes.

Vous reprendrez bien un peu de champagne, chérie ?

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Claudine Brécourt-Villars, Eros, Anthologie de littérature érotique, La Table Ronde, 2019, 250 pages

La Table Ronde

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Mercure de France réédite Le Con d’Irène, de Louis Aragon. Aucune raison de jouer au boudeur.

« Tous lâchent leur coup, un peu au hasard, et finalement le pantin multiple se dégonfle et s’aplatit dans la sueur, les poils et les foutres. Grotesque baudruche. Quand je me rappelle que c’était la mode dans le monde, ces machines-là, il y a quelques temps. Mais alors on faisait ça d’une façon artiste. Le grand genre était de bâtir une cathédrale. Même on raconte qu’un soir des gens dont le nom est sur toutes les lèvres, firent dans leur hôtel particulier une reconstitution de la cathédrale de Chartres sans oublier une seule ogive. On était obligé tout le temps de changer les arcs-boutants qui n’attendaient pas que la dernière pierre soit posée pour en prendre à leur aise. »

Louis Aragon, Le Con d’Irène, préface de Philippe Sollers, Mercure de France, 2018, 96 pages

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