© Ilias Georgidias
Après le sublime Over.State (Blow up Press, Pologne, 2019), du photographe grec Ilias Georgiadis, paraît en Italie chez Origini edizioni le non moins remarquable Vialattea, troisième opus sur cinq chez cet éditeur de Livourne de la série Terra, après Blanco, de Elton Gllava (2019) et Finisterrae, de Michele Palazzi.
Publié dans un format carré similaire à celui d’une pochette de disque 33 tours, cette œuvre se donne à lire, à voir, autant qu’à entendre dans la variation de ses silences, de ses pas, de ses trébuchements, de ses errances, de ses déchirures intimes.
© Ilias Georgidias
Car il s’agit ici moins de s’enchanter du spectacle du grand dehors que d’exprimer une intériorité, mieux encore une expérience intérieure de l’ordre d’une aphasie.
L’atmosphère est au tragique, à la stupeur.
Les mots vacillent comme les images, à la lisière s’édifiant entre sens et non-sens.
© Ilias Georgidias
La pellicule est usagée, il y a des halos de lumière erratiques, des planètes trouées, des aveuglements.
Il pleut des atomes sur les images, il pleut de la suie, il pleut de la mélancolie.
Une ligne à haute tension grésille, la nuit est dangereuse, impossible, mais comment ne pas partir, ne pas s’enfuir, ne pas prendre le dernier train avant la fermeture définitive des frontières ?
© Ilias Georgidias
Le ciel lui-même est inquiet, asphyxié par sa propre déchéance.
Ici-bas bat le cœur des hommes, des bêtes, des végétaux, des lucioles improbables.
Ici, tout est couteau.
Il faut marcher à tâtons dans les ténèbres, alors que la mer devenue folle entonne un De profundis.
© Ilias Georgidias
La pellicule Kodak 400 TX se brise, les grains de sel d’argent tombent dans le caniveau, ramassés par un ermite de passage.
Les villes disparaissent, englouties sous les eaux noires du désespoir, et les églises, recouvertes par des méduses monstreuses.
Le poison est là, les astres sont lointains, et les phares inaccessibles.
© Ilias Georgidias
A la façon d’un album rescapé, Ilias Georgidias a scotché quelques images que l’on peut soulever.
Ce sont les traces d’une présence humaine ténue, des vagues amniotiques.
La voie lactée elle-même est abandonnée.
Les étoiles ont chu.
© Ilias Georgidias
La terre n’enfante plus que des cauchemars.
Pourtant, dans ce sentiment d’effroi frappant chaque page, il y a le désir d’art, de témoignage, dans la beauté coûte que coûte d’une odyssée négative.
Ilias Georgiadis, Vialattea, poème de Matilde Vittoria Laricchia, Origini edizioni (Livourne, Italie), 2020, 44 pages, 33 photographies – 200 exemplaires numérotés et signés