
C’est une suspension dans le désastre des jours.
Un moment de respiration, une ouverture, une contre-allée.
Du noir et blanc carré classique et contrasté.

Il s’agit du premier livre de Brigitte Grignet, Present Perfect, publié en 2015 par les éditions belges Yellow Now.
Les images ont été faites au Chili, en France, en Irlande du Nord, en Belgique, en Italie, au Brésil, à New York, où la photographe a travaillé pendant dix ans avec Mary Ellen Mark.
On embarque pour un voyage sur Terre et dans les limbes, ici et là-bas, entre réalité et onirisme.

Des halos de lumière, une aura nimbant les paysages, tout est de l’ordre d’une présence pleine et mystérieuse.
Délicatesse, tendresse, humanité.
Enigme, secret, pudeur.

Une petite fille des Andes penche la tête sur le flanc d’un cheval, l’accord est évident.
Le peau-à-peau est ici plus important que les mots.
Chez Brigitte Grignet, on communique par les regards, par la vibration de l’air, par la course des corps dans la solitude des espaces.

Il y a en ces images quelque chose de l’ordre d’une prière muette, mais aussi d’une profonde humilité face à ce qui est, si puissant, si beau.
La photographe ne s’intéresse pas à ce qui avilit – tant le font -, mais à ce qui rapproche, à ce qui unit, à ce qui permet la fraternité.
Cocasserie de l’existence, vie populaire sans bassesse, richesse du vivant dans son ensemble.

Burlesque d’une petite troupe de poires clownesques se pressant sur du papier journal, alors que sur la page d’à-côté un enfant à vélo se cache sous un sarcophage de cartons.
Brigitte Grignet aime la vie dans son rire, dans sa fantaisie, dans son énergie.
Sensation d’une famille humaine incluant les animaux, les vieillards et les fous.

Mais aussi les montagnes et les lacs, les murs en crépi et les arbres centenaires, les aubes et les crépuscules, les visages jumeaux et les ciels de tempête.
Nous sommes un bateau de pêcheurs, nous sommes un chimpanzé berçant son enfant, nous sommes des pédalos en forme de cygnes, et une petite fille tenant son doudou au moment du stade du miroir.
Present Perfect est un livre où les nobles sont les pauvres gens de toujours, les gamins et les amoureux.

On pourrait être parfois chez Edouard Boubat ou Sabine Weiss, mais aussi avec les maîtres du réalisme magique sud-américain.
On est tout simplement chez Brigitte Grignet, qui donne envie de quitter à notre tour les anciens parapets et les ordres gouvernementaux, afin de continuer à chercher les traces de la vie vivante.
Le monde est neuf.
Brigitte Grignet, Present Perfect, maquette Emmanuel d’Autreppe, Brigitte Grignet, Marc Wendelski, Yellow Now, 2015, 120 pages

Brigitte Grignet est représentée par l’Agence VU’ (Paris)