©Aassmaa Akhannouch
L’enfance est la matrice, est un rêve, est un avenir.
Avec La maison qui m’habite encore, Aassmaa Akhannouch, colauréate avec Cyrus Cornut (article dans L’Intervalle du 22 juillet 2021) du dernier prix HSBC pour la photographie, cherche à retrouver un des lieux les plus précieux de son enfance.
Les souvenirs sont mouvants, ce sont des fantômes errants dans la psyché, il faut parfois savoir les représenter pour les célébrer, non pour les fixer définitivement, mais pour en libérer la puissance de grâce.
©Aassmaa Akhannouch
Travaillant la matière même de ses images dans le temps long du tirage, de la chimie du laboratoire et des pinceaux de métamorphoses – comme chez FLORE ou Irène Jonas -, le négatif passant du cyanotype viré dans des bains de thé et rehaussé à l’aquarelle, Aasmmaa Akhannouch parvient à traduire avec beaucoup de délicatesse la vision d’un Maroc intime et par là même universel.
Le temps est une substance spéciale, à la fois d’oubli et de révélation.
Des scènes sont rejouées, des mains forment les tresses d’une petite fille très brune, il y a des pieds nus, des jeux de cartes, une théière, des tapis où s’assoupir lorsqu’il fait trop chaud.
©Aassmaa Akhannouch
Surgissent du passé un vieux téléviseur, un téléphone, objets obsolètes pourtant encore parfaitement présents dans la mémoire, et sur la feuille qui en révèle la puissance d’aura.
Comme chez Tchekhov, il faut bien se résoudre à vendre la Cerisaie, que l’art – la parole, le théâtre, le cinéma, la photographie – puisant dans la mélancolie retrouvera sans cesse comme un trésor enfoui, avant que de le perdre de nouveau.
Il y avait tant de vie, de rires, de cris, de passages, d’odeurs, quand il y a désormais un exil qu’on peut tenter de réduire en le représentant sans dépit, comme un lointain toujours familier.
©Aassmaa Akhannouch
Aassmaa Akhannouch photographie un lieu fondateur, les traces d’une famille, un espace de rassemblement.
A la jonction de la force centripète de la maison et de la force centrifuge des images, il y a quelque chose comme l’évidence d’un destin.
Les plus belles constructions tomberont en poussières, mais l’art a cette fonction si précieuse de témoigner de la fragile beauté de l’éphémère, au Maroc, comme à Paris, ou à Kyoto.
©Aassmaa Akhannouch
Nous recousons ce que le temps découd, nous aimerions être Sisyphe heureux.
Des robes flottent, des voiles devant les portes, des draps qui sèchent.
Il y a des pochettes de quarante-cinq tours, une tasse brisée, des bougies abandonnées près d’un réveil, des piles de livres chancelantes.
C’est maintenant l’heure de goûter, puis de faire ses devoirs, avant d’aller jouer dans la cour.
Quelle était la musique de notre enfance ? Qu’avons-nous vu ? Où et quand avons-vécu dans la plus grande évidence ?
Aassmaa Akhannouch, La maison qui m’habite encore, texte Sylvie Hughes, graphisme Line Célo, Atelier EXB / Pris HSBC pour la photographie, 2021, 96 pages
©Aassmaa Akhannouch
Aassmaa Akhannouch est représentée par la galerie 127 (Marrakech)
Des photographies d’Aasmaa Akhannouch sont présentées en ce moment au festival Manifesto, place Saint-Pierre, à Toulouse.
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