©Théo Gosselin
Sur les réseaux sociaux, les photographies de Théo Gosselin font l’objet d’un véritable engouement.
Parce qu’elles convoquent la beauté du mythe hippie, une liberté de mouvement sans concession, le rire de la jeunesse, la force d’un collectif amical vivant apparemment sans entrave.
Fasciné probablement par Jack Kerouac et l’aventure beat, Théo Gosselin construit pour le temps présent des fictions qui l’ouvrent à ce qu’il n’est plus, ou que peu : une recherche de jouissances ensemble, une sensation de totalité, un goût de l’espace considéré encore comme territoire vierge.
©Théo Gosselin
Les personnages du photographe sont beaux comme des robinsons un peu hipsters, célébrant les joies du hic et nunc horatien.
On traverse des déserts comme on traverse une mélancolie trouée par des instants de fêtes, appelé chaque jour par la promesse d’un nouvel horizon.
Les corps, masculins et féminins, sont superbes, souvent nus, sauvages et doux.
©Théo Gosselin
Théo Gosselin est un sensualiste, regardant une fleur ou un épi de blé de la même façon qu’une poitrine dénudée ou un dos qui se cambre.
Le péché originel n’est plus, il est possible de s’aimer sans frein en pleine nature et de chanter à tue-tête sous la lune Satisfaction.
On prend le camion, du tabac à rouler, une guitare, l’air du petit matin est orangé, mordoré, vibrant d’une félicité quasi divine.
©Théo Gosselin
Direction la librairie City Lights de San Francisco, ou peut-être Taos, tout est possible.
On pourrait considérer les images de sa monographie intitulée Roll – publiée par Fisheye -, comme des paroles d’une chanson célébrant l’Amérique indomptée et ses derniers cowboys un peu rebelles.
Mieux que la politique traditionnelle, en costumes gris et lancers de couteaux dans le dos, celle de Théo Gosselin se fonde sur la musique des corps rassemblés, sur l’invention d’un song en commun, sur la route qui allège.
©Théo Gosselin
Les anges d’aujourd’hui se retrouvent dans des motels pour des amours lesbiennes splendides.
Le feu est l’élément majeur de Roll, qui incendie la nuit, qui illumine les peaux, qui invite à la débauche.
Le ciel est en irruption, les étoiles rient de bonheur avec ceux qui les contemplent.
©Théo Gosselin
Mais attention, il y a parfois du drame, des accidents, des morts (images alors en noir & blanc), la chanson devient un Te Deum donnant tout leur prix à ceux qui ressuscitent, continuent, restent fidèle à leur éthique.
L’automne est là, il va peut-être falloir se quitter, mais non, rien n’a plus de sens que de prolonger encore la légende whitmanienne de l’Amérique des premiers jours.
En postface, Bernard Plossu commente : « C’était pareil avec Bill [Coleman] et Cie dans nos années 60 ai Mexique, avec Dan et Doug sur des pistes de vallées des Dieux. Et là, plus d’un demi-siècle après, Théo et ses copains et copines roulent, Roll encore les cheveux au vent, dans des décors, loin des salles de cinoche, sans trop besoin des trucs du progrès. »
Théo Gosselin, Roll, préface de Benoît Baume, postface Bernard Plossu, conception éditoriale et graphique Matthieu David & Théo Gosselin, Fisheye, 2021
©Théo Gosselin
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