©Sabine Pigalle
« Attestarder, verbe trans. Remplir son attestation sur l’honneur au moment du contrôle de police. »
Il faut desserrer l’étau.
Il faut tenter de trouver un passage, une brèche, un trou, une pointe d’ouverture.
Ce peuvent être les grandes procédures de vérité badiousiennes, l’amour, la philosophie, la révolution, le génie scientifique, qui emportent tout, et l’art qui subvertit en proposant des chemins de dégagement quand nous sommes si tristement engagés dans le néant.
En ce dernier domaine, Sabine Pigalle, artiste visuelle, excelle, qui a pensé un enthousiasmant Coronabécédaire pour nous divertir de la viralité comme plomb moral et arme politique.

C’est un livre mettant en regard néologismes et tableaux de maîtres anciens (Jérôme Bosch, Hokusai, Titien, les maîtres flamands…) revisités à ce qui s’annonce comme l’ère des pandémies.
Ici, la drôlerie est reine, et la cocasserie menant au burlesque.
L’humour défait l’angoisse, la crise est encore là, mais elle est soudain loin.
Appelle-t-on cela un exorcisme ? une catharsis ? Oui, vraisemblablement.
Oh, madame, comme votre airgasme me trouble.
©Sabine Pigalle
Airgasme ? « Intense jouissance ressentie lorsque l’on retire enfin son masque. »
Les inventions verbales de l’auteure seraient toutes à noter.
Pour le plaisir, j’en choisis quatre.
Avariant anglais, subs.m. Avarie du système économique et social due à une protéine vicieuse dite « Covxit ».
Comorbésité, subs.f. Tendance lourde à un certain embonpoint observée chez des colocataires confinés.
Facultatoire, adj. Se dit de ce qui était facultatif mais devient subitement obligatoire.
Pangolinade, subst.f. Allégation oiseuse avancée dans le but de justifier l’origine d’une cause sans perdre la face.
©Sabine Pigalle
Voilà, je ne sais pas ce qu’en penseront Christophe Esnault et Lionel Fondeville, mais un tel livre jubilatoire vaudrait bien une chanson, ça manque.
Sabine Pigalle, Coronabécédaire, direction éditoriale Armand de Saint Sauveur, Editions Intervalles, 2021, 96 pages