©Eric Bourret
Les photographies d’Eric Bourret relèvent d’une expérience de désorientation majeure.
La raison bascule, est-on encore sur Terre ? Est-on certain de voir ce que l’on voit ? L’infiniment petit est-il déjà l’infiniment grand, ou l’inverse ?
Poursuivant l’histoire des recherches romantiques concernant la notion de sublime – aux marges de la terreur -, le photographe-marcheur donne la sensation d’entrer dans la roche, de pénétrer la neige, d’habiter le végétal.
©Eric Bourret
Les vues se superposent, brouillent les repères, cherchent l’unité dans la diversité et la confusion des formes, souvent tremblées, obligeant l’œil à faire le point, ou l’esprit à se désengager de l’obsession de la clarté.
Il y a une raison supérieure, à ce qui est, à ce qui apparaît, à ce qui croît, à ce qui meurt.
On traverse des buées, des feuillages, des nuées.
©Eric Bourret
On est dans l’effervescence du Paradis du Tintoret, on va vers la gloire, le centre de la lumière.
Le paysage se fait cosa mentale, bien au-delà de la psychologie.
Le spectateur est absorbé, aspiré, le voici bientôt à l’intérieur même d’une scène grandiose dont les personnages sont des entités de la nature comme dessinées au fusain de l’objectif.
©Eric Bourret
L’un est l’autre, l’autre est l’un, le temps est bien autre chose qu’une succession d’instants, mais la simultanéité de tous.
Comment le montrer mieux qu’en prenant appui sur les éléments de la nature en leur renaissance perpétuelle ?
Il y a des secousses sismiques, des forces telluriques se lèvent, la transformation est en cours dans une échelle incommensurable à l’homme.
©Eric Bourret
L’océan est devenu montagne, on observe des fantômes à la bouche démente, des coulées de laves bientôt métamorphosées en glaciers puissants.
L’espace nous avale, nous flottons sur une mer de nuages, le petit être humain est fondamentalement un équilibriste.
En Chine, aux Açores, en Islande, en Finlande, dans les Alpes, dans l’Himalaya, sur le massif de la Sainte-Victoire, Eric Bourret pérégrine dans l’immémorial, dans la merveille de la création, dans la présence de ce qu’André Breton appelait « Les Grands Transparents ».
©Eric Bourret
On est ici du côté du mythe, du monde premier, de l’originel.
En leur surface amniotique, les eaux méditerranéennes que contemple le photographe sont des moires, des marcs d’enfantement et de divination.
Exposé actuellement au Centre de la Vieille Charité, à Marseille, dialoguant avec l’ordre classique de Pierre Puget – il faut de stricts ordonnancements pour qu’apparaisse ce qui en trouble les certitudes -, l’œuvre d’Eric Bourret est un condensé d’énergies primitives, une vision de notre chaosmos (Kenneth White) intime, la joie terrible de qui crie hosannah en mourant.
Eric Bourret, Flux, avant-propos de Benoît Payan, Jean-Marc Coppola, Xavier Rey et Christophe Asso, textes de Nicolas Misery, Héloïse Conesa, Jean-Rémi Touzet, Pierre Parlant, graphisme et maquette Emmanuelle Ancona, photogravure Christophe Girard, Arnaud Bizalion Editeur, 2021
©Eric Bourret
©Eric Bourret
Catalogue de l’exposition éponyme ayant lieu au Centre de la Vieille Charité (Marseille), du 29 octobre au 27 février 2022

La Vieille Charité (Marseille)