©Maude Grübel
Réalisées entre 2015 et 2018, en France, essentiellement à Marseille, après une intervention chirurgicale lourde, les photographies du livre Le Seuil, de Maude Grübel, expriment avec une grande pudeur le rétablissement et l’oubli, la blessure et l’espoir.
Accompagnées de mots, issus du journal de convalescence et de travail de l’artiste, cet ouvrage témoigne de la beauté du sentiment d’exister, dans l’au-delà des difficultés.
©Maude Grübel
La médecine bouleverse l’emploi du temps, et le lexique. Il va falloir attendre et apprendre des termes nouveaux, des noms de médicaments, du vocabulaire technique.
« Je suis toujours interrompue dans mon processus de création et de guérison par les obligations médicales et administratives. »
Suite à une crise d’épilepsie et au coma qui s’en est suivi, le diagnostic est tombé : une tumeur au cerveau.
©Maude Grübel
Il a fallu opérer, Maude Grübel est une survivante, son rapport au monde et aux autres en est désormais pour toujours profondément modifié.
Tout fait signe pour qui a frôlé la mort, un lit aux draps défaits, une algue sur l’estran, une lumière spéciale, les volutes d’une glycine.
Tout est métaphore, rappel et décalage.
©Maude Grübel
Il ne faut pas se raconter d’histoire, aller à l’essentiel, ne bâtir que des édifices nécessaires.
Rythmologie de la chimio.
« J’ai eu un choc quand mon père m’a dit que les médecins craignaient que je perde ma vue. On ne me l’avait pas dit avant l’opération. Pour éviter que je panique. J’aimerais reprendre la guitare au cas où. »
L’expérience est celle d’une dépossession, d’une étrangeté, doublée d’une réappropriation de soi.
©Maude Grübel
Le moindre café dans un bar de quartier est miraculeux.
Sortie de prison.
Le soleil fait mal, les cheveux sont coupés, il faut vaincre le Minotaure.
Se réconcilier avec soi, se confronter à la dépression, la vie vaut-elle la peine ?
Le corps est troué, la radiologue est un sorcier, et l’art nous apprend à voir.
« Je note tout par peur d’oublier. »
©Maude Grübel
Mixant photographies, dessins et images scientifiques réappropriées, Le Seuil fait retour sur une épreuve décisive, pour la comprendre, pour l’intégrer, pour ne rien perdre de ses traits cruels.
Marseille, 01 janvier 2016 : « Nouvelle année : prendre plus de temps pour une vie agréable / profiter de la nature de la ville / faire des choses lentement avec le sourire / reprendre le sport / arrêter de fumer / me mettre moins en colère // mettre tout à plat »
Il y a des formes étranges sur le sable, un casque de chevalier du futur à porter pour un film intitulé « L’ultime combat », des fissures dans le carrelage, des écrans de contrôle comme des créatures mutantes.
©Maude Grübel
Il y a la langue allemande aussi, l’enfance qui s’entend encore, la présence des poètes, l’œil nu.
Nous faisant entrer dans son monde flottant, l’artiste née à Munich en 1980 questionne ce que nous aussi nous attendons des jours, de l’autre, de la nuit.
La lumière ?
La prière ?
La beauté ?
A chacun de faire le point, et d’écouter son intime conviction.
Maude Grübel, Le Seuil, texte (français, allemand, anglais) Maude Grübel, maquette Pierre-Marie Gély, André Frère Editions, 2021, 80 pages
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