
Vivant entre la ville néerlandophone de Malines, la France et Minorque, après avoir longuement séjourné en Italie, le photographe anversois Karel Fonteyne a développé une œuvre à la jonction de la mode, de la photographie d’auteur et des arts plastiques, déployant son travail le plus personnel depuis 1996.
Son univers très singulier, assez peu connu en France, s’intéresse au sentiment de solitude, voire de déréliction, mais aussi à ce que la vie offre de situations cocasses, ses mises en scènes érotiques en noir et blanc étant particulièrement réussies.

Le chapeau de Magritte est tombé dans les broussailles, le pain de la mélancolie est bourré de clous, nous avons la bouche pleine de cailloux.
Pour découvrir cette œuvre de grande ampleur, les éditions Stockmans Art Books ont publié la monographie Spell, près de cinq cents pages – en quatre papiers différents – qui frappent l’esprit comme un sort vaudou.
Un dindon s’avance, mais aussi une femme nue recouverte de cartons sur un chemin de campagne, ou la tête en forme de citrouille, le corps allongé dans une baignoire hippogriffe installée dans une maison en démolition.

Karel Fonteyne invente des totems pour travers les temps apocalyptiques.
Peuplé de personnages vaguement inquiétants, comme surgis d’un film noir ou de quelque rêve surréaliste mettant en scène des chimères et des jumeaux mystiques sur des rives jonchées de poissons morts, ses photographies relèvent davantage du monde intérieur que d’une quelconque recherche du référent réaliste.
Il y a de la sorcellerie ici, des images impeccables ou de nature fantomale témoignant d’un inconscient visuel fonctionnant comme une machine désirante tournant à plein régime.
Les corps féminins couverts de boue sont des divinités de la nature, ou des muses sophistiquées.

Dieu, que vous êtes belles, chères ménades noires, allégories de la littérature, portant sur le sommet du crâne des livres d’or.
Les Amazones modernes n’ont pas toutes le sein coupé, elles ont les pieds bleu Klein, les lèvres très rouges, et prédisent l’avenir dans des coques de noix.
Spell est une révélation, la bonne nouvelle doit se répandre.
Karel Fonteyne, Spell, concept Karel Fonteyne ans Carine Vyfeyken, graphic design Onno Hesselink, Els Vandecan, production Bruno Devos, Stockmans Art Books, 2020, 470 pages

©Stockmans / Karel Fonteyne
©Stockmans / Karel Fonteyne