
©Klavdij Sluban
In Vivo, de Klavdij Sluban est le seizième volume des éditions IIKKI, dont le projet est, à chaque nouvelle publication, d’associer en un double objet (livre/support musical) œuvre photographique en noir & blanc et œuvre sonore, ici du clarinettiste et compositeur vivant à Amsterdam Gareth Davis.
Nous sommes au Centre des Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis entre 1995 et 2016, et à la prison d’Izalco au Salvador en 2008, accompagnés par les sons d’un musicien élaborant une oeuvre entre âpreté de la matière et apesanteur.

©Klavdij Sluban
En France, Klavdij Sluban photographie des lits, des draps, des murs sales peuplés d’inscriptions marquées au feutre par des solitaires.
Les lieux sont sordides, faiblement éclairés par une lucarne, nous sommes retournés au mieux au début du XXe siècle.
On peut lire cependant sur les parois crasseuses des cellules des mots d’aujourd’hui « Kadafi », « Bobigny », Yazon RIP », « FOU !!! », « 94 », « J’ai forniqué », « KEN », « MELUN », « RAMIR », « aller tous vous faire mettre », « avant d’affronter l’ékipe, trempe tes couilles dans l’eau chaude », « De la cocaïne tout droit venue de la Sicile ».
Il y a aussi des ratures rageuses, et des trous dont on imagine qu’ils sont le fait d’un désir désespéré de communiquer, d’une façon ou d’une autre.

©Klavdij Sluban
Les draps noirs semblent des fantômes allégorisant ici la mort au travail.
Les ombres sont profondes et les taches pariétales menaçantes.
Traces de vie, nudité des déchets, horizontalité de couches pouvant être d’un sommeil temporaire, ou définitif.
Retourné sur le corps vide des absents, les draps seront de parfaits linceuls.

©Klavdij Sluban
Il faut imaginer ici (partie 1) des êtres jeunes se heurtant au ciment de la punition.
Des nuits froides.
La dureté du roc.
Le temps atroce, l’ennui, le désœuvrement.
Partie 2, des visages apparaissent, ceux d’hommes emprisonnés au Savaldor photographiés au moment du parloir avec leur famille, des épouses, des enfants, des mamans.

©Klavdij Sluban
Les corps sont tatoués, crânes, fronts, cous, avant-bras, marques de reconnaissance probables des membres de tel ou tel gang criminel, dont on sait qu’ils sont très nombreux dans ce petit pays d’Amérique centrale.
Klavdij Sluban photographie souvent en légère contre-plongée, marque d’humilité.
Du respect, pas de jugement, mais la rencontre codifiée de corps séparés par une table faisant songer à un autel.

©Klavdij Sluban
Les détenus et leurs visiteurs regardent l’objectif, de conscience à conscience, sans tricherie.
Chorégraphie des mains, des regards, pudeur des durs.
En ces deux visions des lieux de justice en des espaces géographiques très différents, l’artiste français d’origine slovène montre en des images cadrées très fermement une même puissance d’esseulement et de chemins d’expression malgré tout s’inventant dans la dimension la plus terne de la minéralité coercitive.
Klavdij Sluban, In Vivo, directeur d’édition et de publication Mathias Van Eecloo, IIKKI, 2021 – 750 exemplaires
