©Sabine Pigalle
S’inspirant de la peinture classique, Sabine Pigalle – voir mon article du 14 novembre 2021 à propos du livre Coronabécédaire – invente en photographie des tableaux fascinants.
Entre Lucas Cranach l’Ancien pour la pâleur nordique de ses modèles et Paul Delvaux pour la sophistication des poses, l’artiste française a construit avec Night Watch (éditions La Pionnière, 2017) un univers de mélancolie et de merveille.
Nous sommes dans un conte noir où des femmes nues offrent leur langueur à la grâce des forêts obscures peuplées d’animaux ne connaissant pas le péché originel.
©Sabine Pigalle
Des écureuils, des brebis, une blanche hermine, une effraie, des oiseaux, un mâtin.
On reconnaît quelques topiques, les trois Grâces, la Vénus couchée, Lucrèce la Romaine se donnant la mort après avoir été violée.
Certaines protègent leur pudeur, d’autres non, leur blancheur sculpturale est encore un habit.
Judith retourne contre elle une dague, le sang qui coule fertilise la nuit.
©Sabine Pigalle
On se souvient ici de Leonor Fini et de ses créatures diaphanes.
Il y a de douces cruautés, des appels silencieux, une chair aussi désirable qu’inaccessible.
Beauté des coiffures, des mains, des poitrines menues, des ports de tête.
Night Watch est un éloge du féminin et de la peau recouvrant le squelette parfois perceptible.
Fonctionnant à la façon d’un memendo mori, la série de Sabine Pigalle invite ses spectateurs à méditer notre finitude et notre besoin d’art, notre solitude et notre quête d’amour.
©Sabine Pigalle
Nous pénétrons dans un rêve éveillé, au plus profond de l’inconscient, dans des territoires où chaque forme de la nature est un archétype.
Bernard Garbier de Labareyre écrit ainsi superbement : « Grande ordonnatrice de cérémonie, Sabine Pigalle, invisible démiurge, mène sa ronde de nuit. Peintresse du contrepoint, entre volupté de la Renaissance italienne et perfection glacée des grâces allemandes, elle s’adonne à son écriture onirique. »
Oui, il est grand temps de renaître par la beauté partagée.
Sabine Pigalle, Night Watch, texte Bernard Garnier de Labareyre, photogravure Arciel (Paris) Editions La Pionnière, 2017 – 400 exemplaires
©Sabine Pigalle