©Lucile Boiron
Mise en pièce, de Lucile Boiron, publié à Gand (Belgique) par Art Paper Editions, opère la rencontre sur une table de dissection tropicale en papier glacé de Marguerite Bornhauser, Emilie Traverse et Georges Bataille, subsumée par une vision très personnelle de la manducation et de la réparation – oui, mais quelqu’un comprend-il cette phrase ?
Après Womb (Libraryman – article dans L’Intervalle le 5 octobre 2019 intitulé De la photographie comme pratique anthropophagique), l’artiste française invente une cérémonie de chairs incisées et de plantes vénéneuses.

Des prothèses mammaires posées sur le bleu flottent en introït de son bel ouvrage épouvantable comme des îles translucides.
Une opération de chirurgie esthétique se prépare.
©Lucile Boiron
On découpe des pétales de viande humaine, on aspire le sang, on badigeonne de Bétadine.
Tout est écœurant, sculptural, sublime.
Torture, volupté et anesthésie.
Jardin des supplices.
Chauds fluides corporels et froideur du fer.
©Lucile Boiron
Lame, larmes, asepsie.
La poupée de chair se réveille, lève les bras, contemple sa poitrine nouvelle.
Entre les jambes coule une substance matricielle.
Chez Lucile Boiron, la beauté baroque ne craint pas l’horreur, qu’elle transfigure en fééries de matières colorées.
Il y a ici de l’excès, du débordement, une révolution par le bistouri menant de l’archaïque au cybernétique.
©Lucile Boiron
On entaille, on perce, on coud.
Dans le magma des formes et le marécage des liquides intimes point l’ultime recomposition des désirs actualisés.
En son mystère de natures mortes et d’autoportraits acéphales, Mise en pièces met en scène, dans la merveille des bouillonnements de l’infâme, le fantasme d’une renaissance par le génie chirurgical démiurgique, dans la réinvention à l’heure du corps-machine des couleurs du bonheur du peintre varois Bonnard.
Lucile Boiron, Mise en pièces, Art Paper Editions (APE), 2021 – 750 copies
©Lucile Boiron