©James Barnor, courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Que serait la reconnaissance grandissante de l’œuvre photographique de James Barnor, sans le travail constant de sa galeriste parisienne, Clémentine de la Féronnière, pour l’exposer et le promouvoir sur le plan international ?
Une exposition monographique – accompagnée d’un livre superbe – permet une nouvelle fois de prendre la mesure de l’importance de cet artiste ayant travaillé pendant près de soixante ans entre le Ghana et l’Angleterre.
En noir & blanc et couleur, ses photographies témoignent d’un regard ne craignant ni le vide, ni la beauté, ni les apports de la modernité.
©James Barnor, courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
« Dans l’euphorie de l’indépendance ghanéenne, James Barnor, écrit son préfacier Damarice Amao, fait le choix courageux de poursuivre sa destinée personnelle et professionnelle en Grande-Bretagne, l’un des cœurs battants de la culture occidentale d’après la Seconde Guerre mondiale. Son départ est en partie motivé par le désir de sonder cette modernité fascinante qui prend forme dans la musique, la mode et les arts, et que complètent une libéralisation des mœurs inédite ainsi qu’un multiculturalisme modifiant progressivement le paysage londonien et celui des grandes villes britanniques. »
Les photographies de James Barnor entraînent immédiatement l’adhésion, parce qu’elles s’ancrent dans un monde désirable, gorgées d’énergie et de présences fortes, quand aujourd’hui nous devenons essentiellement des fantômes créés par une communication intégrale et abâtardie.
Chez Barnor, on prend le temps d’être beau, ce qui peut s’appeler séduction ou politesse, ou simplement présence supérieure d’un corps dans l’espace, le photographe travaillant avec la force centripète du format carré.
Voici un homme, de dos, debout, face au Monument de l’Indépendance ghanéenne, à Accra, sorte d’arc de triomphe d’un blanc immaculé : l’horizon est bien celui d’une traversée, d’un voyage, d’une utopie peut-être se confondant avec les valeurs d’émancipation issues des Lumières.
Lorsqu’il part à Londres, l’artiste surdoué du studio à succès Ever Young cherche à se déplacer intimement, à se réapprendre, à se risque, à s’expérimenter dans d’autres situations et d’autres pratiques – la rue, la couleur, le peuple occidental, le documentaire.
Ayant rejoint la capitale de la mode, Barnor, dont le geste esthétique peut aussi être considéré comme politique, impose sur pellicule la grâce du corps noir, son élégance, sa charge de sensualité.
Ses portraits réalisés à Accra sont d’une puissance ne manquant jamais de douceur, et sa façon d’utiliser la couleur – des aplats de bleu, des ponctuations de rouges et de verts – d’un maître des rapports chromatiques, la jeunesse de son pays libéré s’exprimant aussi dans la jouvence des surfaces colorées.
Nous qui sommes en exil ne pouvons que rêver d’appartenir à ses images, à ces profils pleins de charme, à ces scènes cocasses qu’il se plaît parfois à photographier.
©James Barnor, courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière
Le dos de Mohamed Ali se préparant à combattre en 1966 est davantage que celui d’un lutteur, c’est une affirmation, par-delà la joliesse des modèles dont il fait le portrait, de rage et d’obstination, un symbole pour tous les opprimés.
Musique, semble nous dire Barnor, c’est-à-dire free jazz, percussion des corps dans l’espace, franchise et rire de la séduction.
Une jeune fille blanche sert une glace à une femme noire, tout va bien.
Voitures, télévisions, sodas et chaussures à talons hauts, ne sont pas que les attributs des dominants, mais un monde partageable, hautement désirable, que l’on vive à Londres ou dans un petit pays africain.
La découverte de l’oeuvre de James Barnor est l’une des merveilles de notre temps.
James Barnor, The roadmaker, texte Damarice Amao, design Nelly Riedel, traduction Mélissa Laveau, Maison CF/RRB Photobooks, 2021
Exposition éponyme à la galerie Clémentine de la Féronnière, du 24 novembre 2021 au 19 février 2022