musée Albert Kahn, Boulogne-Billancourt
A l’occasion de la réouverture en avril 2022 du musée Albert-Kahn et de l’inauguration d’un nouveau bâtiment imaginé par l’architecte japonais Kengo Kuma, les éditions Gallimard publient, dans la belle collection Découvertes, un hors-série comprenant une riche documentation visuelle, ainsi qu’un texte élaboré par Luce Lebart, historienne de la photographie, commissaire d’exposition et chercheuse rattachée à la collection Archive of Modern Conflict.
Cet ouvrage de moyen format aux pages à déplier est parfait pour commencer à découvrir l’héritage inestimable du banquier Albert Kahn (1860-1940), fils de marchands de bestiaux alsaciens, autodidacte ayant voué « sa fortune à un projet humaniste fait de paix et d’entente entre les peuples », le projet Archives de la Planète, soit un ensemble de centaines d’heures de films, et de 72 000 autochromes en couleurs (les peuples, les merveilles naturelles), images fixes et animées ramenées du monde entier par plus des dizaines d’opérateurs, hommes et femmes, entre 1898 et 1931.
« Celui que ses employés qualifiaient de « bourreau de travail », écrit Luce Lebart, vécut seul, ne se maria pas et n’eut pas de descendance », trop occupé à l’édification de son grand œuvre de pacifisme.
Situé à Boulogne-Billancourt, le musée Kahn est aussi un ensemble de jardins, métaphore du dialogue possible entre les cultures, créés par cet homme visionnaire – jardin japonais, forêt vosgienne, jardin à la française, roseraie, jardin anglais, serre en verre et fer… – s’inspirant des jardins dits « de scènes » très appréciés au XIXe siècle.
Les couleurs des autochromes sont très émouvantes, soulignant à la fois la présence des choses et leur éloignement, comme une douce nostalgie au parfum d’éternité – fado ou saudade ?
Mécène scientifique et social, Albert Kahn est soucieux de rapprocher les peuples et de lutter contre l’intolérance, effet de l’ignorance et du manque d’expérience, la guerre de 1914 venant bien évidemment heurter cette belle ambition.
musée Albert Kahn, Boulogne-Billancourt
En attendant les désastres (il devra se déclarer aux autorités répressives comme juif l’année de sa mort), les images s’accumulent : vues de New York, scènes de pêche à la morue et conditionnement du poisson à Fécamp, couchers de soleil, instants quotidiens, habitats, métiers et populations multiples (de plus de cinquante pays), sans oublier les bâtiments emblématiques de l’histoire des civilisations.
Le monde est là, dans l’unité d’un projet de totalisation, mais aussi dans toute la splendeur étonnante de sa diversité.
Nous sommes dans les provinces françaises, mais aussi en Mongolie, en Irak, au Dahomey ou au Japon.
Il ne s’agit pas simplement de documenter l’ailleurs, mais de faire entrer le monde entier à Boulogne, les invités souvent prestigieux du philanthrope étant invités à poser pour la postérité (3000 portraits).
Le projet n’est en outre pas qu’esthétique et de politique fraternelle, il est aussi scientifique, Kahn se passionnant pour les innovations techniques capables de rendre compte du génie de la vie.
« Invité au cercle Autour du Monde à l’été 1920, le physiologiste indien Sir Jagadish Chandra Bosse y expose ses recherches sur les émotions des plantes. Les idées de cet inventeur de la chronobiologie semblent avoir fasciné Albert Kahn, adepte de la pensée bergsonienne de ‘l’élan vital’. »
Le visiteur entrera bientôt dans le musée par une architecture de plis métalliques se prolongeant dans l’espace conçue par Kengo Kuma ayant pensé sa structure comme « un immense origami ».
Nul doute, monsieur Kahn, l’aventure continue, et malheureusement les guerres.
Luce Lebart, Musée départemental Albert Kahn, Transmettre une vision humaniste, Hors-Série Découvertes Gallimard / musée départemental Albert Kahn / département des Hauts-de-Seine, 2022, 76 pages
Découvertes Gallimard – Albert Kahn
Lire mon article du 22 novembre 2020 sur le livre d’Adrien Genoudet, L’effervescence des images, Albert Kahn et la disparition du monde, préface de Patrick Boucheron, Les Impressions Nouvelles, 2020, 344 pages
Poésie savante
Le véritable poète va pieds nus dans le savoir.
Le vrai savant marche tête haute dans la poésie.
Le savant rêve
Le poète instruit
الشعر العارف
الشاعرُ الحق يسيرُ حافيَ القدمين في المعرفة.
العالِم الحق يمشي مرفوع الرأس في الشِعر.
العالِم يحلمُ
الشاعرُ يعلّم
SCIENCE et POÉSIE
Quelle est la relation entre le savant et le poète ?
Entre la science et la poésie ?
Les chercheurs dialoguent avec nous
sur le rôle des algorithmes dans nos sociétés,
la montée des populismes,
la place de l’interdisciplinarité dans les sciences,
le scientifique et le politique,
ou encore la révolution de la traduction automatique…
De quoi donner matière à une réflexion critique
sur les transformations du monde contemporain.
Tout cela va nous recentrer sur nous-mêmes :
humains, qui exprimons tout
ce qu’est l’humain dans sa complexité.
Le savant et le poète seront-ils réconciliés ?
La science et la poésie ne sont-elles pas vérité ?
Ne sommes-nous pas poètes et savants tout à la fois ?
Quelle est la relation entre le savant et le poète ?
Entre la science et la poésie ?
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