L’Espagne, l’été, l’oubli, par Gerry Johansson, photographe

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©Gerry Johansson

Après le remarquable American Winter (2018), les éditions londoniennes MACK publient du photographe né en 1945 Gerry Johansson Spanish Summer.

Rien de touristique ici, mais, en nuances de gris et format carré, la découverte d’un paysage éblouissant de vide et de signes religieux, de bâtiments pauvres et d’arbres isolés, de marqueurs de la paysannerie et d’énigmes de villages désertés.

Réalisées en 1992, 2019 et 2021, les photographies de Gerry Johansson témoignent d’une quiétude suprême dans la traversée, quelquefois, de l’inquiétante étrangeté des formes.

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©Gerry Johansson

Nous ne sommes pas au cœur des métropoles affairées, mais là où chaque chose prend le temps d’être, voire de se dissoudre dans l’espace, habituellement sans nul regard pour en rendre compte.

Les plaines du centre de l’Espagne conviennent bien à l’ethos du photographe suédois, fasciné par la puissance du moindre, et les vertus de l’oublié.

Gerry Johansson observe, sans tonitruance, des milliers d’années de strates culturelles : des poteaux électriques et des églises, des crucifix et du plâtre, des pierres érodées et des ombres souveraines.

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©Gerry Johansson

Il y a çà et là la présence d’infrastructures industrielles, mais comme avalées par un territoire dont la puissance sauvage annihile l’orgueil des bâtisseurs de civilisations.

Spanish Summer est un livre radical, sans texte ni colophon extensif, se faisant succéder sur chaque page de droite (celle de gauche est presque toujours blanche, il n’y a que quelques diptyques) l’image de taille modeste d’un paysage, urbain ou rural, sous lequel est inscrit le nom du lieu où il se situe, l’artiste ayant choisi de présenter ses visions selon un ordre alphabétique.

Ici, à Aguilafuente, à Cervillego de la Cruz, à Las Berlanas, à Villamayor de Monjardin, Dieu n’est pas mort, il est bien au contraire partout, dans les ciels sans nuages comme dans les murs crêpis de chaux, dans les broussailles comme sur les bancs publics frappés par le soleil.

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©Gerry Johansson

Nous pensions la géographie finie, comme nous avons cru peut-être à la fable de la fin de l’histoire, mais, franchement, qui connaît Anguix et Balisa, Ataquines et Collado de Contreras, Laguna Rodrigo et Olejua ?

Autant de lieux, autant de merveilles pour le promeneur sachant prendre le temps d’observer et de vivre dans le calme.

L’ego s’amenuise, l’œil est une ferme aux volets clos paraissant abandonnée.

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©Gerry Johansson

En ces images-temps, tout s’ordonne selon une logique supérieure, l’olivier et le muret, la balustrade en fer et la porte en bois à la peinture écaillée, la végétation la plus simple et l’installation de climatisation.

Les arbres dialoguent dans l’absurde et la drôlerie de l’incommunicabilité.

Si Gerry Johansson avait choisi la couleur, certaines vues pourraient être du mage Luigi Ghirri.

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©Gerry Johansson

La grâce de ce qui est, mais aussi l’ironie involontaire des signes regardés sans ciller, ou la bizarrerie du cheval bicéphale, disent la poétique d’un photographe très éloigné toute idée de démonstration, voire de monstration, mais attentif à l’extrême aux nappes de brumes comme aux glissements des ombres et des lumières, à la beauté du primitif comme à la touchante présence d’édifices promis à moyen terme à la disparition.

Spanish Summer ? La mémoire et l’oubli, ou l’oubli et la mémoire.

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Gerry Johansson, Spanish Summer, MACK, 2022, 320 pages

Gerry Johansson

Spanish Summer – MACK

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