©Quentin Yvelin
Ah, les vertus du ruissellement !
Oui, mais pas celles auxquelles on pense désormais lorsque l’on a l’esprit politique.
Non, pour Quentin Yvelin, le ruissellement – titre de son fanzine autopublié à l’issue de sa résidence de création au Larvoratoire de Douarnenez – est un principe poétique structurant son œuvre.
©Quentin Yvelin
Il s’agit d’une façon d’aborder avec une noble gravité le continent des images flottantes qu’il produit, de les faire glisser les unes sur les autres, de produire des suées de sens et de fins surplus de significations dans une sorte de continuum d’épiphanies.
L’extase et non le calcul,
Le vertige et non la stabilité des assis.
Le risque et non la rente.
©Quentin Yvelin
Imprimé en riso sur papier épais, Ruissellement est un voyage dans un vortex géographique.
Nous sommes dans un monde premier, il y a des visages féminins plutôt farouches, des roches et des mousses, des polypes végétaux et des herbes couchées.
L’océan habite probablement des monstres, dieu est un halo de lumière pénétrant les futaies.
On descend sur une grève, et l’on monte en énergie spirituelle.
©Quentin Yvelin
Il y a comme des atomes de feu dans l’air, et des dieux abrités par des ronces, ou des enchevêtrements de racines.
On se roule, on se recroqueville, on est un escargot traversant une attaque nucléaire.
Sans folklore, mais avec la puissance des symboles, Quentin Yvelin explore les forces – terre/mer/ciel – déterminant un territoire.
Qu’y a-t-il sous les pierres ? Qui habite ici ? Quelle est cette forme que recueillent les mains ?
©Quentin Yvelin
Tout se noue, se tisse, se file, se superpose, se lisse, se déplie, se replie, se baroquise et s’unifie dans l’absolu de la différence.
Il faut faire silence, entrer dans un chaos de roches, poser la main sur une paroi.
On refait les gestes des premiers hommes sans même sans rendre compte, mais le cheval, lui, à peu près identique depuis des millénaires, se souvient.
Quentin Yvelin, Ruissellement, graphisme et conception Quentin Yvelin, Superbanco (Brest), 2022 – 50 exemplaires numérotés et signés
©Quentin Yvelin
Les séries La Hutte et Ruissellement ont été exposées en avril-mai 2022 au Larvoratoire (Douarnenez, Finistère), centre de recherche, de création et de diffusion de travaux photographiques exigeants – direction Yana O’Connell
©Quentin Yvelin
Paraît également aux éditions Pliable – dont le principe est de présenter sur une feuille pliée de format A3 une cocréation entre l’association Coopérative de l’image et un artiste -, Le souffle court et les larmes se taisent, de Quentin Yvelin, « série qui, à partir d’une expérience de Pneumothorax, met en œuvre une photographie entre tensions et relâchements, à la recherche d’un souffle ».
L’arbre y est ici regardé comme un humanoïde étrange et beau dont les racines seraient bien moins sous le sol qu’en hauteur, poussant vers les nuées.
On perd la respiration, par amour, par affolement du désir, par maladie, par malformation congénitale, par choc traumatique.
On pose le dos contre l’arbre-lumière, on ferme les yeux, on se laisse soigner.
Dans le refuge intérieur retrouvé, le souffle revient, de plus en plus ample.
Pour ne pas le perdre tout à fait, il y a l’art, la longueur d’une vibration traversant le temps.
Ne t’inquiète pas petit d’homme, tu es poussière, éphémère, infra-ordinaire.
©Quentin Yvelin
Tu vas mourir, et mourir, et mourir, jusqu’à ce qu’un jour tu retrouves ton âme, et que tu ne sois plus dissocié.
Un arbre montre le chemin, mais aussi le corps nu d’une nageuse sereine faisant la planche entrevue comme dans un rêve.
Quentin Yvelin, Le souffle court et les larmes se taisent, Pliable n°3, 2022 – 200 exemplaires numérotés