Cambodge, le peuple de la nuit, par Philong Sovan, photographe

le

©Philong Sovan

Après les visions cambodgiennes de Christophe Macquet – voir mon article sur Dâh, Dans la nuit khmère, publié le 21 mai 2022 -, voici le regard très cinématographique de Philong Sovan sur l’effervescente vie nocturne de son pays.

L’ancien étudiant de l’Ecole Louis-Lumière né en 1986 au Cambodge a construit avec City Night Light un ouvrage de fascination pour le monde de la nuit, le photographe se servant de la lumière du phare de sa motocyclette pour éclairer des scènes plongées dans la pénombre.

©Philong Sovan

Que se passe-t-il lorsque les touristes dorment et que le noir a gagné les rues ?

Pendant une dizaine d’années, Philong Sovan a observé une activité à la fois quotidienne et secrète, dans une sorte de solitude sans drame unissant l’ensemble de ses protagonistes.

On se promène, on attend, on s’affaire, on consulte les messages sur son téléphone portable.

©Philong Sovan

Les effets de ténébrisme dus au procédé employé créent une atmosphère onirique, à la lisière du fantastique.

Impression d’assister quelquefois à la vie clandestine de zombies impeccables.

Il a plu, il fait très chaud, la peau est un petit ruisseau.

©Philong Sovan

La motocyclette s’arrête, les papillons humains sont illuminés, l’appareil photographique les embaume.

Une conversation ? Une rencontre ? Oui, peut-être, mais à peine, il faut vite repartir là où la nuit recèle des trésors.

Les enfants sont partout, ils n’arrivent pas à dormir, sous hypnose numérique comme partout ailleurs.

Qui peut se douter d’autant de palpitation de vie, alors qu’en Occident chacun cherche à dormir dans le calme et l’oubli de ses fatigues psychiques ?

Au Cambodge, la nuit remue, les corps se frôlent dans l’obscurité, à moins qu’il ne s’agisse d’âmes errantes.

©Philong Sovan

Chaque situation est une microfiction, au lecteur d’en deviner les paroles et les gestes.

Philong Sovan possède l’art de rassembler dans son cadre un grand nombre de personnages, offrant à la sagacité de son regardeur de multiples signes et chemins de sens.

Que voit-on finalement ? Un peuple d’invisibles très visible, un summum d’existence dans un minimum d’espace.

©Philong Sovan

Dans son texte accompagnant l’ouvrage que publie les éditions Le Bec en l’air, Christan Caujolle, grand connaisseur de la photographie cambodgienne, écrit avec justesse : « La mise en scène, minimale, sans affectation, fondée sur ce qui a été vu ou entrevu avant la prise de vue, est, presque paradoxalement, destinée à accentuer l’effet du réalisme photographique. Plus les éléments sont en place dans un cadre d’une extrême précision, plus l’ensemble, fabriqué jusque dans une lumière qui n’existe jamais dans ce réel-là, est composé avec équilibre, plus la véracité de l’ensemble s’affirme. Une palette chaude, subtile, parfois légèrement étrange, assure la cohérence chromatique de l’ensemble et permet une subtilité des détails dans les noirs pour composer des tableautins, des scènes de genre sans aucun misérabilisme. »

Philong Sovan, City Night Light, texte (français/anglais/cambodgien), Christian Caujolle, édition Fabienne Pavia et Céline Queric, Le Bec en l’air, 2022

https://www.becair.com/produit/city-night-light/

©Philong Sovan

Ouvrage publié à l’occasion de l’exposition des photographies De Philong Sovan au Musée Muséum départemental des Hautes-Alpes (Gap) du 14 mai au 18 septembre 2022

https://www.cnap.fr/annuaire/personne/philong-sovan

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s