
©André Palais
« Vous n’échapperez pas à l’épreuve de ce dont il n’y aura jamais eu d’expérience, dès lors qu’avec la possibilité de son objet s’est détruite celle de la vivre en personne, – une épreuve que vous n’aurez jamais su nommer, vous ayant défait de vous-même, aux lieux éparpillés de toutes vos défaites passées. Ici – mais c’est ailleurs -, c’est bien de vivre qu’il se sera agi cependant, d’une vie que rien n’atteste que l’image incertaine de son propre effacement. » (Olivier Campa)
Connaissez-vous les oeuvres d’André Palais, peintre travaillant à l’atelier Hauteville (Paris, 10eme), lieu hybride rassemblant un collectif d’artistes et une galerie ?

©André Palais
Paraît aujourd’hui aux éditions Uqbar Bloom, un livre, très beau, permettant de découvrir ses dernières toiles.
Il s’agit d’une série, très sombre, évoquant un désastre, atomique peut-être, ou quelque fin du monde pour les animalcules humains.
Composé de six parties (La route / Ruines / Boom / Magma / La chute / Noir), Boom se regarde avec calme et silence : nous n’avons plus rien à craindre, puisque la catastrophe a déjà eu lieu.
En un sens, cette certitude est rassurante.

©André Palais
Travaillant probablement d’après photographie, André Palais construit ses scènes et leur juxtaposition à la façon de qui a vu les films de Chris Marker et lu Cormac McCarthy.
On se réunit en famille une dernière fois, pour la photo, l’explosion est imminente.
La planète Melancholia se rapproche, la Terre-Mère est déjà un désert, la lune bouge comme un caillot de sang noir.
A l’instant de la mort se lèvent des images, un lion flotte dans l’air comme un éléphant de Dali, voici Dieu et vous ne l’imaginiez pas ainsi.
Certains fuient par la route, d’autres attrapent un dernier avion, mais les miracles seront misérables, n’en doutez pas.

©André Palais
De nature hyperréaliste – quoi de mieux pour donner la sensation de l’invisible que l’observation minutieuse des faits et des êtres ? -, les peintures d’André Palais déclinent en des nuances de gris des signes qui sont des tropes : la caravane garée dans un paysage de montagne indique une solitude fondamentale, ou un sauve-qui-peut, et la route sinueuse un égarement sans fin.
A quoi bon s’acharner à représenter quand la promesse est celle de l’engloutissement dans l’absurde et le néant ?
Quel est le pouvoir d’une peinture emportée dans les tourbillonnements d’un typhon ?

©André Palais
Peut-être celui d’un arrêt, d’une recomposition au cœur même de la matière des particules de sens, et la tentative d’un chant dans le récit fou et tremblé qu’invente la nuit.
Les statues tombent en poussière, les visages sont des grimaces atroces, le cosmonaute russe regarde pour une dernière fois la glorieuse et pitoyable petite race humaine.
Déluge, cris, indifférence des astres.
L’œil se fend, on fait l’amour en pleurant, le dernier fœtus du monde est un monstre.

©André Palais
Le peintre s’essaie au plongeon olympique, se met la tête à l’envers, il faut bien tenter une ultime pirouette.
Nous n’avons pas su habiter poétiquement le monde, nous sommes damnés, et les femmes nues, pêcheuses d’absolu, ont toujours été plus belles que les révolutions.
On échange les masques, on échange les barques, on échange nos sexes, mais tout est illusoire.
Menace, pandémie, blouses blanches, conciliabules des sectateurs, le virus est dans le fruit.

©André Palais
Apparaît un grand cerf, le roi des bois marche tranquillement sur les cendres de l’humanité.

André Palais, Boom, texte Olivier Campa, éditions Uqbar (Paris) / Agence Sloop / Atelier Hauteville, 2022, 144 pages – 300 exemplaires
https://atelierhauteville.com/

©André Palais
https://atelierhauteville.com/boom-expo-dandre-palais-du-8-au-16-septembre/

Remerciements à Camille le Doze pour avoir tenu le rôle d’intermédiaire