Rosa Bonheur, peintre et femme libre, par Irène Jonas, photographe

©Irène Jonas – agence révélateur

Peintre animalière ayant connu un destin international au XIXe siècle, médaille d’or du Salon en 1849, première femme artiste à recevoir la Légion d’honneur, Rosa Bonheur (1822-1899) fut peu à peu oubliée.

A l’occasion du bicentenaire de sa naissance, les Editions de Juillet publient Lettres à Rosa B., nouveau livre en sa bella maniera d’Irène Jonas qui bénéficia d’une résidence de six mois en 2021 au château de By (Seine-et-Marne) où vécut l’artiste.

Rendant compte par ses photographies retouchées à l’huile de l’atmosphère de ce lieu devenu musée – on y trouve, au fond de l’atelier de Rosa Bonheur, une petite pièce dérobée qui constitue vraisemblablement l’un des trois plus vieux laboratoires photographiques au monde encore intact -, l’artiste plasticienne, sociologue de profession, n’a pas seulement produit des images, mais a tenu aussi à écrire huit lettres à sa devancière.  

©Irène Jonas – agence révélateur

Orpheline à dix ans, Rosalie, qui eut une enfance bordelaise, vécut très pauvrement – il fallut, faute d’argent, enterrer sa mère de trente-six ans dans une fosse commune -, mais entourée d’affection, son père peintre, d’obédience saint-simonienne, Raimond Bonheur, encourageant le destin de sa fille et l’éducation de son œil.

On voit le parc, une silhouette, de beaux arbres, une promeneuse attentive à la beauté de la nature dessinant sur le vif.

Comme toujours chez Irène Jonas, la matière est somptueuse, produisant à la fois des effets de nostalgie et de vigueur.

©Irène Jonas – agence révélateur

Des caprins, des chevaux, des animaux vivants ou empaillés, les bois d’un cervidé regardant depuis l’Hadès les spectateurs d’un château aux tapis élimés et parquets délicieusement craquants (je le suppose).

Irène Jonas construit une danse des spectres à la façon d’un conte d’Edgar Poe, l’élégance et le mystère remplaçant les grimaces.

Le temps est une substance palpable, le passé et le présent se mélangent, la longue chevelure d’une femme d’aujourd’hui se glisse sur le visage d’une autre, plus ancienne de près de deux siècles.

On pense Jules Barbey d’Aurevilly, Auguste de Villiers de L’Isle-Adam, Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, mais aussi à George Sand et à toutes ces femmes géniales dont l’histoire ne retint pas le nom.

©Irène Jonas – agence révélateur

Rosa Bonheur s’habillait à son aise, vêtue en homme, la peinture est une amante exigeante demandant la liberté de mouvement.

En défenseuse des droits élémentaires de la femme, Irène Jonas écrit : « Vous avez sûrement entendu parler d’Amelia Bloomer, cette militante américaine du droit des femmes, et de son combat pour une réforme vestimentaire qui soit à même d’offrir une aisance du mouvement. Est-ce que le terme « bloomers » vous dit quelque chose ? »  

Rosa Bonheur, qui n’eut pas d’enfant, et fut amoureuse d’une femme, Nathalie Micas, a les yeux verts d’une lionne.

©Irène Jonas – agence révélateur

Impossible pour elle qui refusera les brides, quelles qu’elles soient, notamment le mariage, d’abandonner son besoin d’indépendance.

Un journaliste, Jules Claretie, rappelle la photographe, décrit une scène pathétique : « Rosa Bonheur, un jour, dut se séparer de son lion « Néro ». Les chevaux qu’on allait atteler au chariot qui devait traîner la bête jusqu’à Paris tremblaient, sentant l’odeur du carnassier. Lui, Néro, était triste, comme s’il eut deviné la séparation. Il interrogeait Rosa Bonheur de son œil doré, tandis qu’on adaptait aux barreaux de sa cage des planches comme on eut cloué les planches d’un cercueil (…) On l’emmenait au Jardin des plantes. Il y fut moins choyé que par Rosa Bonheur. Une ophtalmie le rendit aveugle. L’artiste quin d’après lui, avait fait tant d’études superbes, alla le revoir, navrée de le trouver étendu dans le sable de sa cage, humilié sous les curiosités niaises, les mépris des badauds, et mourant ».

Mais il n’y a pas que la détresse du félin, le sentiment de la perte est ontologique.

De lettre en lettre, on le comprend avec émotion, le bel ouvrage d’Irène Jonas est aussi un hommage à sa propre mère, décédée à l’âge de quarante-deux ans.

« Je peux vous l’avouer, à vingt ans, j’ai fait une photographie de ma mère sur son lit de mort. J’avais, comme Anna, un laboratoire photo, j’y ai fait un petit tirage que je n’ai jamais montré à personne mais que j’ai conservé dans une enveloppe au cours de mes nombreux déménagements. »

Le secret de l’art réside peut-être dans la douleur de l’absence.

Irène Jonas, Lettres à Rosa B ., postface de Katherine et Lou Brault, conception éditoriale Richard Volante, maquette Richard Volante et Yves Bigot, photogravure Pascal Jollivet, Editions de Juillet, 2022, 124 pages

https://www.editionsdejuillet.com/products/lettres-a-rosa-b

https://irenejonas.myportfolio.com/biographie

Exposition Rosa Bonheur, vu par Irène Jonas, galerie Rachel Hardouin (Paris), du 11 au 30 octobre 2022

https://www.agencerevelateur.fr/post/rosa-bonheur-r%C3%A9miniscences-ir%C3%A8ne-jonas—galerie-rachel-hardouin-paris—11-30-octobre-2022

Exposition Rosa Bonheur au musée des Beaux-Arts de Bordeaux et au Musée d’Orsay du 18 octobre 2022 au 15 janvier 2023

https://www.musba-bordeaux.fr/fr/article/rosa-bonheur-a-bordeaux

https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/rosa-bonheur-1822-1899

Irène Jonas est représentée par l’Agence Révélateur (Olivier Bourgoin)

https://www.agencerevelateur.fr/irene-jonas

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