
©Juliette Agnel
« étoiles / insister sur le stellaire / le résiduel / plus que cela / millénaires / venues / depuis les océans / depuis les mers / elles ne sont taillées / à l’effigie / d’aucune divinité / et pourtant / comme des visages / caverneux / œil / sans tain » (Léa Bismuth)
C’est un ouvrage de petit format, plus menu qu’un livre de poche, qu’il ne faut pas alourdir de mots.
Un objet de peu de poids pour présenter des pierres venues du fond des âges comme autant d’astres chus sur une pauvre et merveilleuse particule d’univers appelée Terre, ou feuille imprimée.

©Juliette Agnel
Produit à l’occasion de l’exposition Les Nuits ayant lieu à Campredon Centre d’art (L’Isle-sur-la Sorgue, Vaucluse), Silex, de Juliette Agnel, est un livre d’artiste prenant la forme d’un leporello.
On l’ouvre donc comme on déplie un accordéon, l’air entre, les roches s’envolent.
Accompagné de poèmes composés par Léa Bismuth, ce beau livre à la couverture jaune entoilée est une proposition de rêverie sur la nature éphémère de ce qui paraît d’abord intangible, évident, sans contestation possible, d’une matière plus solide que tête d’homme.
Franc et mat comme un coup de gong, Silex propose d’arrêter quelques instants le déchaînement de nos jours et de nos pensées.

©Juliette Agnel
C’est un espace de méditation, une sorte de dojo volant.
Ce sont des sculptures naturelles, blocs de glaise à modeler lorsqu’on s’appelle Bourdelle, Rodin, Zadkine ou Laurens.
Bien sûr, le visage se cache un peu, mais c’est parce qu’il est partout, ici et là, et là encore, comme une lettre volée posée sur la table d’un salon bourgeois saccagé par des barbares.
On pense mouvement, on pense feu, on pense préhistoire, et ossements à tailler.
Au commencement s’imposent les sons, qui donnent la pierre, puis le végétal, puis l’animal, puis l’humain, puis, s’il s’avise de manquer son élévation spirituelle, le minéral – ce n’est pas si grave, nous avons des milliers d’années devant nous pour tenter de devenir alchimistes.
On bute sur un caillou, on le ramasse, on s’étonne de sa forme, on prie peut-être un peu en remerciant les dieux pour le prélèvement sacrilège qui vient d’avoir lieu, puis on l’expose, le tourne et retourne, le photographie cherchant la sainte face.

©Juliette Agnel
Léa Bismuth s’approche, éteint sa lampe frontale, sort son cahier de visions, ferme les yeux, et écrit :
« On les ramasse sous la terre / celle du potager de la maison / de l’Yonne / profondeurs / voyage / depuis d’autres étoiles / pour parvenir jusqu’à / nos mains / nos yeux / nos corps / notre humanité / dépassée par elles »
Ce sont des pierres, à coucher par terre, et à accueillir dans la chambre, photographique.

©Anne-Frédérique Fer
Juliette Agnel, Silex, poèmes de Léa Bismuth, conception et adaptation graphique Nelly Riedel, Maison CF / Clémentine de la Ferronière, 2022 – 500 exemplaires
https://julietteagnel.com/projets/works
https://www.maisoncf.fr/produit/juliette-agnel-silex/
Catalogue-objet produit à l’occasion de l’exposition Les Nuits de Juliette Agnel à Campredon Centre d’art, du 22 octobre 2022 au 15 janvier 2023