
© Martin Bogren
Un peu dandy, promenant dans les salons, galeries et lieux dédiés sa longue et fine silhouette surmontée d’un chapeau, le Suédois Martin Borgen est l’un des artistes les plus sensibles de la planète photographique actuelle.
Après le superbe Passenger publié par Lamaindonne (article mise en ligne dans L’Intervalle le 20 juillet 2021), les passeurs d’Atelier EXB font paraître le non moins somptueux Metropolia, dont le titre fait bien évidemment référence au film de Fritz Lang et à une certaine forme de hantise.
Il y a chez l’artiste travaillant dans la chimie du laboratoire la matière même de ses images, parfois altérées, un sens de la couleur faisant songer à la décadence palermitaine, et du noir & blanc évoquant les grandes heures du cinéma d’auteur, se situant dans l’héritage du spectre Antonioni-Tarkovski.

© Martin Bogren
Les photographies pour Martin Bogren sont davantage que des représentations, ce sont les fragments d’un esprit universel touchant chacun, chacune, et chaque point de la planète.
Si les images de Metropolia ont été prises à New York, elles sont universalisables, donnant le sentiment d’être les témoins de la plasticité de notre inconscient collectif.
Chez lui, les taches de lumière peuvent être anthropomorphes, et les humains de simples signes de lumière.

© Martin Bogren
La texture de ses photographies est matière d’onirisme, derniers instants de vision avant que n’éclate l’Apocalypse, c’est-à-dire la Révélation.
Nous marchons seuls entre les buildings, nous nous enlaçons comme des affamés, l’amour est le principe universel, mais nous l’oublions souvent.
On se quitte bêtement, on ne connaît rien de l’autre, nos savoirs sont des bribes d’ignorance.

© Martin Bogren
Mais quelles sont belles les couleurs chez Martin Bogren, transmettant à la fois leur mystère et leur énergétique.
L’œuvre du photographe vivant entre Malmö et Berlin construit un royaume préservé de la corruption.
C’est une sorte de domaine où la noblesse est loi, se lisant notamment dans les visages de ses personnages, jusque dans leurs inquiétudes, parce qu’elle est ontologique et partageable, unique et transversale.
A sa façon, Martin Bogren célèbre la beauté de l’éphémère, et la grâce des instants ne cessant de nous échapper.

© Martin Bogren
A quel moment est-on véritablement présent ?
Pourquoi faut-il toujours vivre dans le décalage et l’exil ?
On croise dans Metropolia des anges qui s’ignorent, des princesses de métro, des envoutés.
Une femme pleure, le paysage est recouvert de brume, le désir est une silhouette orange, ou de couleur chaude monochromatique.
Tout se dissout au moment d’être saisi, Orphée se retourne et perd son Eurydice, la photographie est un médium permettant de tenter la traversée de l’enfer de la mélancolie.

© Martin Bogren
Une main se tend, une bouche s’entrouvre, des yeux se ferment.
On danse quelques minutes ensemble, puis l’on se sépare pour ne jamais se revoir que dans la roue karmique d’un manège de fête foraine.

Martin Bogren, Metropolia, entretien avec Anaël Pigeat, édition Nathalie Chapuis, assistée de Hugo Lefilleul, conception graphique Elisabeth Welter, Atelier EXB, 2022, 96 pages
https://exb.fr/fr/home/558-metropolia.html
Cet ouvrage a bénéficié du soutien de la Galerie du Jour agnès b., dans le cadre du Fonds de dotation agnès b.
Martin Bogren est représenté en France par la Galerie VU’
