Un tombeau de feu et de douceur, par Linda Tuloup, photographe

©Linda Tuloup

A l’entrée de l’exposition de Linda Tuloup, Le Feu, les Pierres, ayant lieu actuellement à la Otto Gallery (Gand, Belgique), il y a une petite pièce dont les parois sont des tentures de velours rouge.

On s’assied, on met un casque, une vidéo commence, un chat blanc parcourt l’écran, c’est un élément initiateur, un messager.

Nous sommes en Côte d’Ivoire, dans la nuit d’Abidjan, une mouette crie, on entend le vrombissement d’un avion.

©Linda Tuloup

Le temps s’égoutte, on pourrait même dire qu’il crépite.

Une femme se cache les yeux, se recueille, se souvient peut-être du visage de son père, il y a très longtemps.

Qui possède les clés du royaume de notre destinée ?

Qui déchiffrera le vol des oiseaux de la mélancolie ?

©Linda Tuloup

La caméra procède par mouvements lents, les images se pénètrent doucement, puis se séparent.

L’atmosphère est shakespearienne, peut-être même faulknérienne, il y a eu un drame, il fait chaud et humide, un homme parle en anglais.

Un père est mort, presqu’inconnu pour sa fille vivant à Paris, qui découvre après trente ans d’absence ses effets dans son petit appartement africain : des vêtements, une montre, une caméra, des chaussures, des médicaments, des radios, une guitare, des lunettes, un frigidaire rempli de bouteilles de jus d’orange, des cartes postales du Liban.

©Linda Tuloup

Qui était cet homme ? Qui était mon père ?

On entend : « Mes mains sont imprégnées de tout, mes mains ont pris la couleur et l’odeur de tes objets. »

Taxi, route, territoire étrange et fascinant de l’ailleurs.

« Je ne reconnais pas ta voix, un trou se creuse, il n’y a que le vent pour me parler encore. »

©Linda Tuloup

Passent des portraits solarisés d’un homme, qui s’apelle mystère, puis une voile sur la mer étale.

« Tu m’aurais dit : ‘Tu as de beaux yeux verts, de beaux cheveux, et je t’aime.’ »

Toutes les paroles que nous ne nous sommes pas dites.

Tous les regards que nous ne nous sommes pas adressés.

Toutes les secondes que nous avons manquées.

©Linda Tuloup

On entend maintenant le bruit des pales d’un hélicoptère dans une apocalypse now intime, mais c’est la douceur qui l’emporte, la réconciliation, l’amour.

Qui est en vie ? Meurt-on vraiment ? Que transmet-on ? Comment hérite-t-on ?

Elle, la vie, la mort : « Je viens de loin. »

Je viens des draps et de la sueur, je viens du feu, je viens du néant, et je te reconnais.

©Linda Tuloup

Après la vision de ce film beau comme une annonciation négative/positive, le parcours d’exposition peut commencer, construit comme un chemin de brûlures et de métamorphoses, allant de la matière rouge de l’antre vers les pierres en apesanteur et la lumière.

Il y a un petit brasier de galets qui murmurent toujours, plaisir, désir, ma jolie, absence.

L’émulsion prend, le corps d’une femme est devenu chair d’air, joie d’art, pierres qui parlent, comme dans un conte médiéval.   

©Linda Tuloup

Exposition monographique de Linda Tuloup Le Feu, les Pierres, à la Otto Gallery (Gand, Belgique), du 17 février au 1er avril 2023

Vue d’exposition

https://www.ottogallery.be/

https://lindatuloup.fr/fr/accueil

Le livre d’artiste Le Feu a été produit à 20 exemplaires numérotés et signés, comprenant un leporello de quatorze volets, « La nuit est un rêve », une lettre de Sandrine Treiner, et une clé USB en or permettant la lecture du film

Linda Tuloup est représentée à Paris par la galerie Olivier Waltman

https://galeriewaltman.com/linda-tuloup

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