
©Vincent Jendly
Conçu comme un voyage au long cours sur les océans du monde, Lux in tenebris, de Vincent Jendly, est une série photographique réalisée entre 2015 et 2020.
La nuit y est intense, la mer généralement effrayante, déroutant les perceptions ordinaires.
On pense à un chant grégorien, ou à quelque Requiem nous invitant à questionner notre bref passage parmi les humains.

©Vincent Jendly
Maquetté avec beaucoup de soin par Nicolas Polli – couverture à déplier révélant une carte maritime, ponctuation de pages cartonnées, images parfois argentées -, cet ouvrage publié par Images Vevey impose immédiatement sa nature immersive.
Le spectateur est embarqué, il y a de la houle, nous entrons dans le domaine de l’inquiétude et de l’effroi.
Ici, savoir nager ne servirait à rien, ou pas grand-chose, tant la mer semble métamorphosée en un unique manteau de deuil.

©Vincent Jendly
Graphiquement très belles, les images de Vincent Jendly semblent provenir de quelque psyché tourmentée, ou d’un ordinateur géant ayant avalé toute chair humaine.
Il y a des pages noires, mais aussi l’écran d’un radar, et la multitude des points lumineux de la voie lactée.
Comment se repérer lorsqu’on n’a pas été formé à l’analyse du ciel ?
Photographiant depuis les cargos l’ayant accepté à leur bord, Vincent Jendly se souvient qu’il a failli périr noyé enfant.

©Vincent Jendly
L’enjeu est donc d’affronter le traumatisme, et les démons associés.
Toute lumière est un rappel du premier réveil pour qui a frôlé la mort.
Sur ces monstres des mers, les dangers sont permanents, et l’on ne parvient souvent plus, la nuit, à en distinguer les contours.
Il s’agit de regarder en face le danger, les vagues démentes, les bruits infernaux.
Dans le bitume des ténèbres, on perçoit des vortex, ou ces traces échographiques nous rappelant notre état fœtal.

©Vincent Jendly
Dans la grande symphonie nocturne, alors que le navire craque de toutes parts et que la raison défaille, il faut s’en remettre à Dieu, ou au diable, pour assurer sa survie.
Il n’y a plus de pont, mais une guipure aqueuse aussi périlleuse que fascinante.
Où est le capitaine ?
Le cargo est-il un vaisseau fantôme ?
Les camarades du jour ont-ils été exterminés ?

©Vincent Jendly
Lux in tenebris contemple la somptuosité abstraite des vagues, mais aussi leur possible létalité.
Le commerce des marchandises est à ce prix de frayeur, rarement montré avec autant d’acuité.
Le voyage maritime est d’abord pour Vincent Jendly une expérience intérieure.

Vincent Jendly, Lux in Tenebris, graphiste Nicolas Polli, Images Vevey, 2022, 148 pages – 1000 exemplaires
https://www.vincentjendly.com/

©Vincent Jendly
