Mer d’Aral, larmes de sel, par Grégoire Eloy, photographe

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©Grégoire Eloy / Tendance floue

Composé de photographies et de photogrammes de films réalisés en Ouzbékistan et au Kazakhstan entre 2008 et 2013, Ressac, de Grégoire Eloy, est une série très belle, presque abstraite, rendant compte, en couleur et noir & blanc, du désastre écologique ayant touché la Mer d’Aral, qui a perdu presque la totalité de sa surface depuis les années 1960.  

« Cette catastrophe écologique, précisent les éditions Images Plurielles, résulte du plan d’irrigation mis en œuvre à l’époque soviétique pour développer l’agriculture intensive du coton. En 2005, l’achèvement du barrage de Kokaral a permis le retour de l’eau et du poisson dans la partie nord de la mer. Mais toute la partie sud est vouée à disparaître. »

Le désert progresse, la mer est désormais un fantasme pour beaucoup, la rationalisation économique à outrance au détriment de la nature est un péché mortel.

©Grégoire Eloy / Tendance floue

Ressac est un livre blanc poussière, une dystopie pourtant bien réelle, une étendue de larmes de sel. 

On songe pour l’inquiétude et l’étrangeté émanant des photographies de Grégoire Eloy au trouble dont sont porteuses celle de son ami de l’agence Tendance floue, à laquelle lui aussi participe, Alain Willaume.

Un homme regarde dans la nuit un globe de verre, boule de cristal laissant planer un doute sur l’avenir en ces terres asséchées.

Il y a des nuages fantomatiques, la mer, absorbée, pompée, aspirée pendant des dizaines d’années, se dispersant aussi par le haut, en vapeur d’eau.   

©Grégoire Eloy / Tendance floue

Des barques sont échouées, des hommes attendent sur des dunes, la caravane des travailleurs est rouillée.

L’érosion détruit l’espace physique, mais aussi les esprits.

Grégoire Eloy montre la solitude des anciens travailleurs de la mer ayant perdu leur emploi.

L’impression est celle d’une désolation, mais aussi d’une noble beauté, comme si la planète revenait à ses éléments premiers et se réengendrait.

©Grégoire Eloy / Tendance floue

Ressac est un livre silencieux, propice à la méditation, presque japonais quelquefois dans la paix qu’il procure malgré les signes de la disparition.

Un pêcheur porte un costume en velours élimé. Cigarette, bonnet, peau parcheminée, cet homme possède une classe hollywoodienne.

Un enfant dort, allongé sur un tapis. Que faire d’autre ?

On glisse entre les ajoncs, un cargo repose sur le fond du lac déchu, fantastique, incongru, ridiculisé par la marche du progrès assassin bien plus puissant que lui.

©Grégoire Eloy / Tendance floue

Il faut se protéger le visage contre la brûlure du soleil relancé par les cristaux de sel, et voguer sur des radeaux d’absolu.

Est-on en Antarctique ou en Asie centrale ?

La mer a quitté l’Ouzbékistan, et perdure encore chez son voisin.

©Grégoire Eloy / Tendance floue

La vision se trouble, des mirages se créent, un homme n’ayant pas vu la mer depuis trente ans emmène son petit-neveu, accompagné du photographe, vers l’horizon liquide.

L’image s’est faite plus petite, et ce sont désormais des successions de vignettes, comme si tout était déjà souvenir.  

Comme le plaisir simple d’un bain de mer.

Grégoire Eloy, Ressac, texte Grégoire Eloy, conception graphique et mise en page Céleste Rouget pour l’intérieur, Eric Bédiez pour la couverture, Images Plurielles Editions, 2023

©Grégoire Eloy / Tendance floue

https://gregoireeloy.com/https://www.imagesplurielles.com/fr/

Grégoire Eloy est membre de l’agence Tendance floue

https://tendancefloue.net/actualite/gregoire-eloy-prix-niepce-2021/#:~:text=Gr%C3%A9goire%20Eloy%20est%20laur%C3%A9at%20de,collectif%20Tendance%20Floue%20depuis%202016.

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