Japon, scènes de la vie infra-ordinaire, par Géraldine Lay, photographe

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©Géraldine Lay

C’est un livre qu’il faut faire pivoter pour commencer à le lire, et en faire défiler les pages comme on le ferait d’un rouleau de peinture asiatique à contempler verticalement.

La lecture peut se faire, à la différence d’un kakemono tel qu’il s’en produit beaucoup aujourd’hui, de bas en haut, de la scène vue en contreplongée au ciel, sans que cette composition traditionnelle de la peinture chinoise soit ici systématique.  

On peut aussi scroller les pages, comme on consulterait dans la longueur un compte Instagram.

©Géraldine Lay

Couverture souple avec jaquette à l’américaine – un poster à déplier -, Far East, de Géraldine Lay, est un ouvrage, fruit de quatre automnes au Japon, dont le principe général est celui de la fluidité et de la multiplicité signifiante en chaque image, comme dans la formation des diptyques, qui ne sont pas forcément en vis-à-vis mais peuvent être pensés comme une association formelle, et même spirituelle, entre le verso et le recto de la page.  

On ouvre le livre sur la table, on le laisse respirer, gonfler un peu les poumons – ce qui tombe bien car les plis de l’opus sont japonais -, la promenade peut commencer.

Il y a chez Géraldine Lay, dont Far East constitue le cinquième titre, une esthétique de la fissure (appelons-la kizu avec Michaël Ferrier), une sorte d’inquiétante étrangeté s’insinuant dans le décor à peu près parfait des jours.

©Géraldine Lay

Les aplats de couleur sont striés de noirceurs, des ombres énigmatiques rencontrent des espaces polychromes.

L’attention de la photographe se porte sur le jeu des couleurs – on pense bien entendu à William Eggleston -, sur la calligraphie spontanée du quotidien en des scènes où s’accumulent le plus souvent des strates de traces valant comme autant d’interrogations fictionnelles.  

Les paysages urbains, semi-urbains ou de campagne de Géraldine Lay sont des visions safran ou ocre d’un vaste décor où l’artificialité de certaines constructions et de nombre d’objets forme l’ordinaire, souvent regardé avec malice, d’un peuple semblant parfois vivre en Absurdie.

©Géraldine Lay

Le territoire observé est le plus souvent saturé de câbles, fils électriques, grilles, grillages, échafaudages, fenêtres, cadres divers, créant une sorte de vertige, mais aussi une sensation d’accord très juste des éléments structurant l’espace, jusqu’à ce qu’un détail nous alerte, souvent placé en amorce, mais l’on sait bien avec Alfred Hitchcock la force des fausses pistes chez les meilleurs cinéastes.

On peut aussi repérer entre les différents livres de Géraldine Lay des similitudes, des doublons, des rémanences, comme si, que l’on soit à Glasgow, Cardiff, Liverpool ou au Japon, nous vivions dans un même rêve éveillé, parsemé de points d’illuminations (des pointes de satori) clignotant entre vie et trépas.     

Tout est matière, mais également esprit, sable et bleu du ciel, idéogrammes flottants et âpre bitume.

©Géraldine Lay

Far East est une comédie musicale composée de scènes muettes, le défilé d’images d’une conscience en état de mort imminente s’amusant encore de la drôlerie, voire de la dinguerie, de l’existence.

Géraldine Lay aime beaucoup le motif des cornets de glace, qui constituent vraisemblablement sa part d’enfance inentamée.  

Géraldine Lay, Far East, Poursuite éditions, 2023

https://www.geraldinelay.com/

©Géraldine Lay

https://www.poursuite-editions.org/produit/far-east/

Géraldine Lay est représentée par la galerie Le Réverbère (Lyon)

https://www.galerielereverbere.com/exposition

©Géraldine Lay

https://www.leslibraires.fr/livre/21983884-geraldine-lay-far-east-francais-lay-geraldine-poursuite?affiliate=intervalle

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