Journal d’une Initiée, par Jennifer, et Bruno Traversi, chercheur

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Saint Jean à Patmos, XVè siècle, Jean Fouquet

« Un homme a la foi si, lorsqu’il entre dans sa chambre, qu’il est tranquille et qu’il prie Dieu de lui présenter son Ange gardien ou un génie, ce génie ou cet ange vient immédiatement. Lorsqu’il les voit, il peut causer avec eux. Sinon, il n’a pas la foi. » (Philippe de Lyon)

Les recherches menées depuis trois décennies par le docteur en philosophie et professeur d’aïkido Bruno Traversi, spécialiste des transes et des phénomènes psychophysiques, sont à ma connaissance les plus remarquables en ces domaines.

Dans un livre sidérant qu’il préface, Les portes de l’arrière-monde, sous-titré Synchronicités, visions, possessions et Eveil, celui-ci rappelle les grandes lignes de ses avancées théoriques, avant que de laisser la parole à Jennifer, une initiée faisant le récit des événements d’ordre supérieur qui jalonnent son existence depuis 1992 : visions, apparitions, extériorisations – des contenus de l’âme dans le monde phénoménal -, bilocations, prémonitions, télépathie, clairvoyance, sorties de corps, perception de voix, hiérophanies.  

Cet ouvrage écrit au croisement de la pensée japonaise (le kototama comme âme des mots) et de la tradition chrétienne du Logos créateur (parole performative de la prière) est unique en son genre, tant par le relevé précis des phénomènes vécus, spontanément ou par le biais de protocoles d’expérimentations mis en œuvre lors de séances collectives d’aïkido, que par son apport savant.  

« Pourquoi, écrit l’auteur, sommes-nous si souvent sourds à la Parole ? Et si muets ? Autrement dit, pourquoi sommes-nous incapables de percevoir le monde des Idées ? Pourquoi n’entendons-nous pas le Logos dans son originalité ? Pourquoi notre parole est-elle si dégradée par rapport au Logos ? Ces questions sont (ou devraient être) celles du chrétien. Elles étaient (et sont) celles de l’adepte du bouddhisme Shingon (littéralement « Parole »), dont la doctrine l’enjoint à passer de la parole profane à la parole du mystère (mitsu). »

Placé sous l’autorité du thaumaturge Philippe de Lyon (1849-1905) et du maître spirituel Deguchi Onisaburo (1871-1948), grand connaisseur comme son élève Ueshiba Morihei (1883-1969) des états de possession (kamigakari) et du monde des esprits, Les portes de l’arrière-monde offre des perspectives nouvelles sur le sens même de nos actes, de notre incarnation, de nos différents états corporels.

Les traditions ésotériques occidentales (notamment les études sur l’alchimie) et orientales (particulièrement celle du bouddhisme Shingon) se rencontrent donc ici, tout en s’enrichissant de la pensée sur les archétypes de Carl Gustav Jung (psychologie de l’inconscient), dont Bruno Traversi est l’un des meilleurs spécialistes français.

« Dans la représentation stratifiée de la psyché selon Jung, écrit l’universitaire, le Moi (sphère subjective) est borné par deux mondes objectifs : d’une part, le monde extérieur des choses, le monde dit naturel ; d’autre part, le monde intérieur de l’âme. Le caractère d’intériorité ou d’extériorité pour désigner l’un ou l’autre de ces mondes est relatif à l’orientation du regard du sujet. Si le sujet oriente son regard, c’est-à-dire son attention sensible, vers le monde naturel, le monde spirituel lui est voilé (inconscient) et devient intérieur ; s’il tourne son attention vers le monde spirituel, celui-ci devient alors le monde extérieur, tandis que le monde naturel se voile, devenant inconscient et intérieur. C’est dans ce sens que la pratique de la transe de Jung, tout comme celle de Deguchi et Ueshiba, doit être vue moins comme une transe d’intériorisation – qui suggérerait que le sujet entre dans son propre monde cloisonné – qu’un retournement du regard, une conversion, permettant de passer d’un monde à l’autre, au sens où l’entendait Plotin (IIIe s.), chef de file des néoplatoniciens, auquel Jung se réfère. »

Nous pouvons donc considérer que nous sommes dans un état de possession permanent, plus ou moins voilé en fonction des époques, et qu’il existe un plan intermédiaire – indépendant de l’espace-temps – où le corps et l’âme se rencontrent (pont flottant entre la terre et le ciel selon Ueshiba), qui est celui des réalités psychophysiques, perceptibles par exemple dans les phénomènes de synchronicité.

Pour Jung, nous procédons du centre originel et impersonnel du Soi – figure de l’Un chez Plotin –, que le Moi peut retrouver/réintégrer lors d’expériences spécifiques, auxquelles il se trouve que Jennifer est particulièrement sujette, dans le dépassement des antinomies habituelles (Moi/autrui, monde intérieur psychique/monde extérieur physique, plan terrestre/plan céleste).

Il s’agit par la disponibilité à l’état de possession supérieur de faire advenir un royaume de paix à partir du monde de l’âme spirituelle rendu visible et de la transformation intérieure induite, allant jusqu’à l’Eveil, le parachèvement de soi, précise Bruno Traversi, étant lié au parachèvement du monde – éprouver la non-séparation entre le monde extérieur et le monde intérieur.

Par la prise de conscience de cet état, il est possible, à partir de notre corps de chair, d’explorer au cours de notre vie le monde spirituel, notamment le lien de sympathie unissant toutes les âmes.

On lira dans Les portes de l’arrière-monde les expériences spontanées de décorporation, extrêmement troublantes, de Jennifer – lire aussi celle de Plotin relatée dans le Traité 6 -, ainsi que les nombreux phénomènes surprenants – mais analysés – vécus par les membres du groupe d’aïkido auquel elle appartient depuis des années, et auquel ce livre rend aussi hommage.

Les objets eux-mêmes – l’expérience du balai volant longuement décrite le prouve – sont pourvus d’une âme. On appelle d’ailleurs au Japon l’état de possession des objets shintai.

Bruno Traversi mentionne que le sortilège, une fois écrit/imaginé et médité lors d’une prière, se produit tel qu’il avait été formulé, la Parole (le Paraclet transcendant toutes les dualités) agissant à la façon d’un Sésame, ouvre-toi, ou autre commandement. 

Jennifer, qui travaille dans un cabinet d’assurance comme conseillère, précise que très souvent, dès l’arrivée d’un client, et avant même de lui demander son nom ou autres renseignements, les informations nécessaires au remplissage des fiches d’accueil lui sont dictées directement/intérieurement sans même avoir eu besoin de prononcer un mot, ce phénomène prouvant alors de façon stupéfiante – et bouleversante pour les clients – l’union des âmes.

Un nouveau paradigme est à penser.

« Plutôt que de rejeter le monde tel qu’il est, je crois, avance-t-elle, qu’il est essentiel de se concentrer sur sa propre transformation intérieure. C’est en développant concrètement les capacités de l’âme que nous pourrons véritablement transformer notre réalité. »

Nous pouvons éprouver des sentiments, angoisses, joies ou douleurs qui ne sont pas les nôtres, comme nous pouvons recevoir des informations venues de l’autre lors d’un moment de possession spontanée. 

Au cours de son ample témoignage, Jennifer relate la vision de sphères lumineuses, de scènes se rejouant à l’identique, de possession collective, de miroir ne réfléchissant pas l’entièreté d’une scène – et comme portails pour les visions -, de l’apparition dans un centre commercial d’une roue immense, de l’ouverture de la terre (vers le monde souterrain), jusqu’à la visite d’un Ange lors d’un moment de détresse médicale.

Tout ceci paraîtra incroyable, et tout ceci l’est, mais il faut lire avec attention le long préambule de Bruno Traversi, sans manquer la richesse des faits relevés par une femme vivant des expériences hors du commun.

Il faut maintenant rappeler l’Evangile selon Jean, si important pour comprendre la puissance créatrice de la Parole : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement en Dieu. Tout par lui a été fait, et sans lui n’a été fait rien de ce qui existe. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. Et la lumière luit dans les ténèbres. »

Cette dégradation de la fonction de la Parole – mise à mal par le maléfice de l’omnipotence des dispositifs cybernétiques, l’asservissement n’étant jamais qu’un des effets majeurs de la perte du lien avec la dimension intérieure du langage -, conduit nombre de personnes en recherches intérieures, à « développer une sorte de spiritualité personnelle, fondée sur le rapport sensible : on cherche à se fondre dans le monde de la nature, voire dans le monde animal, considéré comme originel. »

« Je pense, conclut l’initiée, que cette quête d’une fusion avec l’environnement est une profonde erreur, car elle contribue à obscurcir encore davantage le plan des Idées. Pour pouvoir apercevoir ce plan et retrouver la Parole, pour en éprouver la réalité, il faut entamer un mouvement de conversion, un « retournement du regard », comme le disent Ueshiba, Lu Tsou, Plotin ou encore Swedenborg. »

Soyons attentifs à l’Appel divin, chacun de nous reçoit des signes, qui sont des propositions de conversion.

Jennifer, Les portes de l’arrière-monde, Journal d’une initiée 1992-2024, préface de Bruno Traversi, Editions du Cénacle de France, 2024, 316 pages

https://cenacle-de-france.com/

https://psychologie-analytique.com/bruno-traversi-2/

https://www.eventbrite.com/cc/alchimie-et-synchronicite-selon-jung-et-pauli-3530159

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