Exposé à la vue de tous comme en sacrifice, Shaun Levin, autoportraits aux polaroïds

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© Shaun Levin

« Le bonheur a des visages différents. En ce qui concerne le Garçon, il va toujours de pair avec le rejet. S’il ne tenait qu’à lui, s’il mourait pour se retrouver au paradis, le Garçon demanderait à tous les gens qu’il aime de lui donner régulièrement des claques. Rien ne le rendrait heureux davantage. »

Comme il est agréable de découvrir une nouvelle voix, un nouvel écrivain, dont on pressent immédiatement qu’il comptera pour longtemps.

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© Shaun Levin

Shaun Levin, né en Afrique du Sud dans les années 1960, ayant grandi en Israël et vivant désormais à Londres,  est de ceux-là.

Etienne Gomez, son traducteur, est son meilleur passeur, aux éditions Christohe Lucquin (Un voyage à Arras : Vie et mort d’Isaac Rosenberg, 2014), de L’Antilope (Sept petites douceurs, 2019) et, aujourd’hui, chez Signes et Balises avec Le Garçon en polaroïds (septième volume d’une grande petite maison d’édition), dont le principe est simple : écrire en seize fragments, à partir de seize images issues d’un album de famille, l’histoire de sa propre vie.

Une autobiographie ? Non, un ensemble de murmures, des esquisses, des tentatives d’approche de soi – telles la fragilité et la beauté des polaroïds.

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© Shaun Levin

Les titres forment une légende, à peine : « Le Garçon découvre Playgirl », « Le Garçon et son seau », « Le Garçon est né », « Le Garçon et son père », « Le Garçon et son lit », « Le garçon sur l’île », « Le Garçon dans son chandail aux élans », « Le Garçon en polaroïds, heureux », « Le Garçon sur la plage », « Choses dites au Garçon », « Le Garçon regarde A », « Le Garçon : un plaisir pour les yeux », « Le Garçon dans les montagnes », « Le Garçon et les filles », « Une histoire sur le Garçon », « Le Garçon (ne) grandit (pas) »

Est-ce cela une vie ? Est-ce cela une identité ? Non, mais ce sont des contours, des restes sacrés.

Premier été en Israël où ses parents ont décidé de vivre : « Cet été-là, le Garçon prit le soleil nu sur la pelouse du jardin à l’arrière de la maison. Avec sa serviette, il passait en slip du patio au gazon, puis s’étendait sur le dos et ôtait son sous-vêtement avant de s’en recouvrir les parties intimes. Le Garçon croyait que tant qu’il fermait les yeux, on ne le verrait pas. Allongé, nu, il se gorgeait de soleil comme si ça pouvait le transformer, le transporter et, en pleine semaine, en pleine journée, au milieu de la pelouse, au milieu des maisons récentes, sa peau se hâla, la peau du Garçon exposé à la vue de tous comme en sacrifice. C’était comme une héliophilie aveugle. »

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© Shaun Levin

Shaun aime les garçons, et, dans le désert du Sinaï où l’accompagne son bel amant fantasmatique, sourit à la vie – première image.

L’ordre chronologique n’est pas respecté, tant mieux.

« Le Garçon était une chochotte. Une grosse tapette, toute moche. Il voulait devenir danseur de ballet, mais il n’y avait aucune chance pour qu’on laisse un garçon de son école de Juifs faire de la danse et il s’inscrivit simplement au club de gymnastique. »

Avec beaucoup de délicatesse, Shaun Levis raconte son enfance, usant de l’ellipse comme d’une formule de politesse – ne pas se plaindre, taire les souffrances, simplement les laisser affleurer -, disant l’amour sans fausse pudeur.

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© Shaun Levin

La découverte de la sexualité, du corps masculin, forment les étapes d’un chemin initiatique menant à l’âge adulte.

L’homme fait regarde l’enfant avec mélancolie, étonnement, joie, qui regarde l’homme fait avec incompréhension, et du désir peut-être, déjà.

« L’homme vient vers le Garçon. Il n’est pas le premier à lui parler ainsi, mais le Garçon est tout aussi excité, terrifié, que si c’était la première fois. Le Garçon apprendra à reconnaître cette sensation euphorique de panique, de mort imminente, qui ne le quittera plus ; une excitation, une terreur si profonde qu’elle menace de l’annihiler. »

Que savait le petit homme de l’ogresque monde ? Que comprend l’écrivain, l’homme des livres, de l’enfant qu’il fut ?

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© Shaun Levin

Il faut pour approcher le mystère du temps, l’énigme du sexe, un petit livre en seize polaroïds passés au développement des mots, et tout une œuvre.

Nombre de nouvelles, romans, chroniques de Shaun Levin sont encore à découvrir. Le futur n’est-il pas désirable ?

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Shaun Levin, Le Garçon en polaroïds, traduit de l’anglais par Etienne Gomez, éditions Signes et Balises, 2017, 74 pages

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